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La fabrique

  • la fabrique 14 : "Vous êtes un intellectuel ?"

    un jour un message un message électronique une question : « Vous êtes un intellectuel ? » mais c'est quoa cette question ? « Vous êtes un intellectuel ? » un intelléquoi ? un intéléctuel ? je sais pas moa ce qu'c'est qu'un intélétuel ? c'est quoa ça ? ça fait quoa ça ? dis, c'est ceux qui bavassent devant les micros qui pérorent sur les écrans qui alignent des phrases que je comprends pas quand ils arrivent à la fin et que j'dois appuyer sur replay et qui sourient béats devant leur analyse brillante , leur finesse d'esprit ? dis, c'est pour ça que tu me prends ? dis, les intellectuels c'est quoa ça ? ça s'oppose à quoa ça ? parce que si tu m'poses la question, c'est bien qu't'as une idée de c'que c'est, de ce que c'n'est pas ? dis, dis t'attends quoa comme réponse ? tu veux que je t'écrive que j'ai de l'ambition moa, petit tas de chair minuscule qui vais finir rongé par les vers ou en cendres lâchées dans les airs, tu crois que j'ai l'ambition de donner du sens au monde moa ? dis, tu crois quoa toi ? que moi qui suis très préoccupé par mes intestins tous les matins et les soirs j'ai l' temps d'avoir des idées sur tout et n'importe quoi ? tu crois que j'suis un expert en que'que chose, pace que t'en connais toi des experts en queque chose ? ah ce mot « EXPERT », laisse-moi rire y a jamais eu autant d' « experts » qui expertisent tout et n'importe quoi et alors ça a produit quoa ça à part que ça leur permet d'avoir un petit bout de galette, juste un petit bout tout d'même pace que la galette faut faire attention, si tu la partages trop, y en a plus assez pour toi, la galette ça fait des miettes. dis tu crois quoa à me poser cette question ? que j'ai la prétention d'avoir une pensée critique ? tu te trompes d'éléphant, va voir ailleurs dans le zoo, j'ai la prétention de rien faire moi, je vide mon sac, c'est tout, je pense pas moa, ça sort comme ça, comme une envie de vomir, irrépressible ou comme quand t'as envie de pisser et que tu peux plus te retenir. je fais pas dans le peaufinage, l'élégant, le beau, le pensé raffiné, le philosophiquement élaboré, le critique étale-moi la confiture, le col de chemise ouvert négligemment. non je rabote grossièrement, je ponce au gros grain, j'y vais allégrement à la brosse moa pas au pinceau fin, je triture sans trop savoir, j'assemble de guingois. mais quoa tu te prends pour qui toa d'abord à me poser cette question ? t'as bien une p'tite idée tout de même autrement tu me la poserais pas ta question. Alors allez envoie- moi le fonds de ta pensée, dis-moi ce qui te triture et je verrai si j'ai le temps de lire ta réponse à ta question et si je la comprends. après je sais pas si je te répondrai pace que j'ai un tas de trucs à faire, aller chercher de quoi manger, faire une lessive, étendre le linge, combler mon découvert, mettre le réveil à sonner pour pas oublier d'aller bosser , pace que bosser dans ce monde est devenu une souffrance de tous les matins, ramasser les miettes sur la table... ah oui les miettes et la galette c'est fou ceux qui veulent un morceau de galette. ah oui tu t'en fous toa de tout ça, c'est vrai t'attends que ta réponse à cette question « Vous êtes un intellectuel » ? « Vous êtes un intellectuel » ?

  • la fabrique 13 : ça cause oh ça cause

    oh ça cause ça cause dans les journaux ça cause ça cause oh ça cause de tous les côtés ça cause ça cause ça donne son avis oh ça cause ça cause sur les écrans un flot ininterrompu ça cause ça cause oh ça cause pour dire tout et le contraire oh ça cause ça cause les experts proclamés des qui savent tout des qui ne savent rien mais savent quand même ça cause ça cause des qui disent peut-être oui peut-être ben que non oh ça cause ça cause des sinistres et des démagos oh ça cause ça cause ça cause des sommités vite désavouées par d'autres sommités désavouées par d'autres sommités oh ça cause ça cause oh ça cause ça cause entre deux pages de pub des célébrités éphémères des qui disent qu'ils ne sont pas devins mais qui vous annoncent le pire ou le meilleur oh ça cause ça cause ça cause ça adore causer et même quand des plus humbles osent la prudence la marée les emportent à toute berzingue vers l'oubli oh faut que ça cause que ça alimente le flot que ça fasse monter la mayonnaise ça cause ça cause faut scorer à l'audimat ça cause ça cause oh ça cause des pseudo journalistes des vendeurs d'audience des présentateurs de bruit des égos démesurés ça cause ça cause oh ça cause faut être en tête de gondole alimenter le buzz ça cause ça cause partout ça cause faut faire dans le sensationnel oh ça cause ça cause oh ça cause ça cause du bruit du bruit encore et toujours du bruit toujours du bruit toujours du bruit oh ça cause ça cause ça cause oh ça cause

    mais le silence est d'or mais le silence est d'or mais le         est d'or mais le           est        

  • la fabrique 11 : le bruit du monde

    J'ai écrit et mis en ligne ce texte en mai 2016. Il me semble cruellement contemporain.

    Tu as beau te perdre dans l'immensité bleue contempler le brun des algues et la ligne noire des îles au large tu ne parviens plus à oublier le monde qui t'entoure tu ne parviens plus à oublier le monde qui t'entoure Tu as beau te noyer dans des vagues de sons électroniques te plonger dans d’éclectiques lectures éviter le flot des écrans cathodiques tu ne parviens plus à oublier le monde qui t'entoure tu ne parviens plus à oublier le monde qui t'entoure Chaque matin tu marches un peu plus oppressé tu as beau presser le pas tenter de détourner le regard emprunter d'autres chemins où que tes pas te portent la misère du monde te rattrape la misère du monde te rattrape Chaque jour tu te demandes ce que sont devenus vos rêves tu voudrais échapper à cette lassitude qui t'envahit te glisser dans les interstices éviter la douleur de savoir mettre ce monde entre parenthèses mettre ce monde entre parenthèses Tu as beau vouloir espérer encore un peu tu ne parviens plus à échapper au bruit du monde qui t'entoure tu ne parviens plus à échapper au bruit du monde qui t'entoure tu ne parviens plus à échapper au bruit du monde tu ne parviens plus à échapper au bruit du monde échapper au bruit du monde échapper au bruit du monde échapper au bruit du monde échapper au bruit du monde au bruit du monde au bruit du monde au bruit du monde au bruit du monde.

     

  • la fabrique 12 : je te regarde

    je te regarde je te regarde je ne me lasse pas de te regarder à chaque instant à chaque moment je te regarde je ne cesse de te regarder à la dérobée je te regarde je te regarde quand tu marches dénudée quand tu dors allongée à mes côtés quand tu montes lentement les escaliers je te regarde je ne cesse de te regarder je te regarde quand attentive tu te maquilles le matin quand tu t'habilles d'un rien quand concentrée tu cuisines je ne me lasse pas de te regarder je te regarde je te regarde dans chacun de tes gestes quotidiens je te regarde dans l'ordinaire de nos journées je te regarde je ne cesse de te regarder étonné je ne me lasse pas de te regarder je te regarde je te regarde sourire éclater de rire je te regarde lumineuse je te regarde silencieuse perdue dans un ailleurs qui m'échappe je te regarde je te regarde je ne cesse de te regarder désarmé je te regarde je te regarde tendrement amoureusement méticuleusement longuement je ne me lasse pas de te regarder je te regarde je te regarde comme si c'était toujours la première fois je te regarde je te regarde je ne cesse de te regarder je te regarde me regarder je te regarde comme si c'était la dernière fois je ne cesse de te regarder bouleversé je te regarde je te regarde intimidé muet je ne cesse de te regarder pour ne pas oublier je te regarde je ne me lasse pas de te regarder je te regarde je te regarde je ne cesse de te regarder.

  • la fabrique 10 : au bout de son sein

    au bout de mon bras il y a ma main au bout de ma main il y a mes doigts au bout de mes doigts il y a ses doigts puis sa main puis son bras son épaule son cou sa joue et puis son sourire son sourire sur sa bouche carmin dans ma main sa main sa peau contre ma peau douce douce sa peau je voudrais la lécher sa peau je voudrais la lécher sa peau douce et laiteuse la lécher comme une boule de glace la lécher avec délectation la lécher lentement longuement la peau laiteuse de ses seins dans ma main la douceur de son sein la douceur d'une figue sur les lèvres ma langue sur son sein au bout de ma langue son sein au bout de son sein il y a le monde au bout de son sein le monde se tient là et il est laid ce monde ce n'est pas mon monde ce monde je ne veux pas voir plus loin que le bout de son sein je ne veux pas voir au-delà du bout de son sein mon monde s'arrête au bout de son sein mon monde c'est sa peau la douceur de sa peau et sa couleur aussi blanche que le lait mon monde c'est son sourire sur ses lèvres carmin mon monde c'est sa joue son cou son épaule son bras mon monde c'est sa main ses doigts et au bout de ses doigts mes doigts au bout de ma main au bout de mon bras c'est cela mon monde c'est cela mon monde.

  • La fabrique de textes 9 : les bruits dans ma tête

    ça revient ça recommence ça recommence les bruits les bruits dans ma tête ça tape ça cogne ça revient ça recommence ça recommence les bruits dans ma tête et les cris aussi je les entends je les entends les cris dans la nuit ça recommence ça recommence ça tambourine ça martèle ça couine c'est mon cerveau qui va exploser en mille petits morceaux gris et sanguinolents en mille petits morceaux qui vont s'éparpiller sur les murs blancs ça revient ça revient ça recommence ça pulse ça pulse sans cesse à l'intérieur de ma boîte crânienne des accords stridents des notes déchirantes ça vrille mes neurones ça taraude ma cervelle ça revient et cette lumière cette putain de lumière aveuglante qui va faire éclater mes globes oculaires ça revient ça recommence ça recommence ces saloperies de vagues destructrices qui labourent mon encéphale ça revient ça recommence ça recommence les bruits dans ma tête et les rires glaçants aussi je les entends ça revient ça recommence ça recommence je les entends ils arrivent je les entends ils arrivent les fantômes blancs le bruit de leurs pas résonne dans ma boîte crânienne je les entends ça revient ça revient ça recommence ça recommence les bruits les bruits dans ma tête pourquoi personne ne me croit ça revient ça revient ça revient ça recommence ça revient ça revient ça revient pourquoi personne ne me croit

  • La fabrique de textes 8 : un été en bord de mer

    Il y a ce bleu Ce bleu si bleu Ce bleu du ciel Ce bleu de la mer Il y a ce bleu Ce bleu si bleu Et l'or du sable Étincelant Aveuglant Et l'odeur des pins qui monte dans la chaleur Cette odeur de résine Entêtante Enivrante Il y a ce bleu qui sature les rétines qui envahit l'espace Ce bleu si bleu Incongru dans ce monde de souffrances Ce bleu de la mer et du ciel confondus Ce bleu si bleu Conquérant Désarmant Insolent Ce bleu D'une beauté cruelle Ce bleu si bleu Obscène.

  • La fabrique de textes 7 : un jour je suis né

    un jour

    un jour je suis né

    un jour je suis né dans ce monde

    un jour je suis né dans ce monde sans l'avoir demandé

    un jour je suis né dans ce monde sans l'avoir demandé sans être désiré

    un jour dans ce monde je suis né sans être désiré

    un jour dans ce monde sans être désiré

    un jour sans être désiré

    un jour je suis né

    un jour

    un jour je mourrai

    un jour je mourrai dans ce monde

    un jour je mourrai dans ce monde sans l'avoir demandé

    un jour je mourrai dans ce monde sans l'avoir demandé sans l'avoir désiré

    un jour dans ce monde je mourrai sans l'avoir désiré

    un jour dans ce monde sans l'avoir désiré

    un jour sans l'avoir désiré

    un jour je mourrai

    un jour

    un

    jour

    je

    mourrai

  • La fabrique de textes 6 : il faut ne se conjugue ni avec rêver ni avec aimer

    Il faut appeler un chat un chat Il faut dire ce que personne n'ose dire Il faut dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas Il faut être réaliste Il faut être pragmatique Il faut être moderne Il faut se défaire des idées archaïques Il faut innover Il faut libérer le travail Il faut libérer l'esprit d'entreprendre Il faut libérer l'entreprise Il faut transmettre des valeurs Il faut restaurer l'autorité Il faut responsabiliser les parents Il faut rétablir l'Ordre L'Ordre c'est important l'Ordre Il faut se serrer la ceinture Il faut faire des efforts Il faut rembourser la dette Il faut savoir être patient Il faut penser à l'avenir Il faut savoir serrer les dents Serrer les dents et se taire Serrer les dents jusqu'au sang Du sang et des larmes Il faut être sérieux Il faut que jeunesse se passe Il faut du temps au temps Il faut persister Il faut évoluer Il faut être raisonnable Il faut changer

    Des « Il faut » y en a plein partout ça infeste les discours ça se propage comme la gangrène ça devient la règle obscène ça devient la charpente d'une pensée vermoulue ça sert de parapet pour protéger du vide ça sert de cache-sexe à l’absence de sens ça sent le moisi ça sent la naphtaline ça donne envie de vomir ça donne envie de fuir

    J'ai envie de rêver J'ai envie d'aimer J'ai envie de soleil J'ai envie de joie J'ai envie de tendresse J'ai envie de paresse J'ai envie de rires J'ai envie de toi J'ai envie de courir J'ai envie de nager J'ai envie du goût des vagues sur ta peau J'ai envie de crier J'ai envie de danser J'ai envie de t'embrasser J'ai envie de rêver J'ai envie d'aimer

  • La fabrique de textes 5 : je m'agrippe

    Je m'agrippe je m'accroche

    Je m'agrippe à la paroi

    Je m'accroche je m'agrippe

    Je m'accroche à la roche

    Je m'agrippe je m'accroche

    Je m'agrippe à toi

    Je m'accroche je m'agrippe

    Je m'accroche à la vie

    Je m'agrippe je m’accroche

    Je m'agrippe je m’accroche

    J'ai peur j'ai peur du vide

    J'ai peur j'ai peur de l'abîme

    J'hésite j'hésite à poursuivre

    J'ai le vertige de vivre

    le vertige de vivre

    J'ai peur j'ai peur de ton absence

    J'ai peur j'ai peur de ton silence

    Je m'agrippe je m’accroche

    Je m'agrippe je m’accroche

    Je m'agrippe je m'accroche

    Je m'agrippe je m'accroche

  • La fabrique de textes 4 : ses lèvres

    Je pose un doigt sur ses lèvres Je caresse ses lèvres J'aime caresser ses lèvres Lentement Doucement J'effleure sa bouche de mes lèvres Mes lèvres sur ses lèvres Je sens son souffle son haleine J'aime sentir son souffle tout contre mes lèvres Mes lèvres frôlent ses lèvres Mes lèvres jouent avec ses lèvres Ma langue lèche ses lèvres Lentement Doucement J'aime ses lèvres lorsqu'elles sont légèrement mouillées Des gouttes de pluie sur ses lèvres Le goût salé de l'océan sur ses lèvres J'aime quand elle passe sa langue sur ses lèvres J'aime quand elle mordille ses lèvres J'embrasse ses lèvres Lentement Doucement J'aime embrasser ses lèvres Je l'embrasse à pleine bouche Bouche contre bouche Lèvres contre lèvres Salives mêlées Sa langue s'insinue dans ma bouche Langues emmêlées Nos lèvres s'unissent se confondent ne font qu'une Ses lèvres sur mes lèvres Je presse mes lèvres sur ses lèvres Ses lèvres vermeilles Ses lèvres brûlantes Ses lèvres gonflées J'aime le contact de ses lèvres sur ma nuque Ses lèvres sur mon torse Ses lèvres sur mon ventre Lentement Doucement Un sourire sur ses lèvres Lentement Doucement Je pose un doigt sur ses lèvres.

  • La fabrique de textes 3 : écrire, ça sert ?

    A quoi ça sert d'écrire ? Ça sert à quoi ça ? A qui ça sert d'écrire ? Ça sert à qui ça ? Ça sert à quoi une question comme ça ? Ça sert à qui une question comme ça ? Comme quoi ? Comme ça. Ça sert à rien une question comme ça ! Écrire ça sert à ceux qui écrivent à ceux qui lisent ceux qui écrivent à ceux qui écrivent sur ceux qui écrivent à ceux qui lisent ceux qui écrivent sur ceux qui écrivent.

    Écrire écrire écrire. Je les cherche les mots je les malaxe je les mélange je les remplace je les assemble je les triture je les combine je les écorche les mots je les apprivoise je les délimite je les encadre d'espaces. Des espaces entre les mots. De blanches césures. Comme un abîme. Un abîme de mots.

    Écrire ça sert à plonger dans un abîme. Écrire ça sert à ceux qui plongent dans l'abîme des mots. L'abîme me donne le vertige. Les mots me donnent le vertige. Le vertige au bord de l'abîme. Le vertige à la lecture d'un texte. D'écrire le vertige me prend. Écrire c'est comme éprouver la sensation du vertige. Écrire comme dans un déséquilibre. Écrire au bord du vide.

    Il y a ceux qui écrivent pour eux, seuls dans l’abîme. Pour un autre eux-mêmes.

    Il y a ceux qui écrivent pour eux et qui rêvent que les autres les lisent. Il y a ceux qui écrivent pour être lus par d'autres et qui ne sont jamais lus. Il y a ceux qui écrivent pour être lus par d'autres et qui sont beaucoup trop lus.

    Il y a ceux qui vivent pour écrire et ceux qui vivent d'écrire. Il y a ceux qui rêvent d'écrire mais qui ne le font jamais. Il y a ceux qui n'ont pas de rêves et ceux qui ne s'en souviennent pas.

    Il y a ceux qui écrivent industriellement ceux qui écrivent parcimonieusement ceux qui écrivent comme des forçats ceux qui écrivent dans leur lit ceux qui écrivent tôt le matin à un bureau ceux qui écrivent à la main ceux qui écrivent sur un clavier d'ordinateur ceux qui écrivent sur une grande page blanche ceux qui écrivent dans un carnet – un moleskine c'est plus élégant – ceux qui écrivent lentement ceux qui tracent les mots avec application ceux qui n'arrivent pas à se relire ceux qui écrivent peu ceux qui écrivent trop beaucoup trop ceux qui raturent qui corrigent sans cesse ceux qui écrivent d'un seul jet comme ça d'un seul coup – la MAGIE de l'écriture - ceux qui écrivent compulsivement ceux qui écrivent dans la douleur ceux qui écrivent pour ne rien dire mais qui écrivent quand même.

    Il y a ceux qui n'écrivent jamais. Ils n'ont pas appris à écrire ils n'ont pas besoin d'écrire ils ne veulent pas écrire ils n'ont pas ce désir d'écrire – désir, je te désire, nous nous désirons, ils se désirent, l'absence de désir - ils n'ont rien à écrire ils ont trop à dire ils ont peur d'écrire ils n'osent pas écrire ils essaient d'écrire mais ne vont jamais au bout – au bout de l'écriture est un point ultime, au bout de l'écriture est la mort. On leur a dit qu'ils n'étaient pas faits pour écrire, on leur a fait croire qu'écrire c'était pour les AUTRES – le DON d'écrire, le GÉNIE littéraire.

    Il y a ceux qui écrivent pour exister ceux qui existent en écrivant et il y a ceux qui existent tout court. Il y a ceux qui écrivent pour donner des leçons AAAAH les DONNEURS de LEÇONS les FAUDRAIT QU'ON et ron et ron petit patapon !

    Il y a ceux qui écrivent des chansons chansons tristes chansons d'amour, chansons réalistes chansons populaires chansons sur un air d'accordéon sur un air de bandonéon chansons sans prétention chansons délicates chansons fragiles chansons romantiques chansons nostalgiques chansons comiques chansons érotiques chansons révolutionnaires chansons éphémères.

    Il y a ceux qui sont des poÊtes ceux qui sont des pouets ceux qui poétisent ceux qui sottisent ceux qui écrivent des textes légers légers comme des bulles de savon qui volent au gré du vent ceux qui écrivent des textes qui font rêver des textes qui font voyager des textes qui font pleurer des textes à mourir de rire des textes à mourir d'ennui.

    Il y a ceux qui écrivent des listes des listes de course des listes de choses à faire des listes d'invités des listes de blessés des listes de morts des listes pour ne pas oublier des pense-bêtes et des pense-ânes aussi parce qu'il y en a énormément des ânes mais des abbesses beaucoup moins.

    Il y a ceux qui écrivent des lettres des lettres d 'amour des lettres d'adieux des lettres pour ne rien dire des lettres qui sont des appels au secours des lettres qui s'égarent des lettres que personne ne lit des lettres conservées précieusement en paquets attachés avec du satin rose des lettres dissimulées des lettres de rupture des lettres tâchées de larmes des lettres parfumées des lettres de refus des lettres anonymes des lettres d'excuse des lettres de remerciement des lettres de licenciement des lettres qui désespèrent.

    Il y a ceux qui écrivent pour manger ceux qui dévorent ce que d'autres ont écrits pour manger et ceux qui dans l'indifférence meurent de faim.

    Et vous dans tout ça ? Moi je sais pas j'écris j'écris. AU FOU ! AU FOU ! AU FOU ! je plie je tords je lamine j'usine j'assemble je façonne je forge ET LE BEAU ? LE BEAU ! LE BEAU ! je mécanique sans intention esthétique je rabote je polis je coupe j'agence je colle des mots les uns à côté des autres je cimente j'attache des lettres je comble des vides je bricole j'artisane je fabrique en équilibre en équilibre au bord d'un abîme. L'abîme des mots. L'abîme de la vie.