19.03.2021
Silver Letters 3 : Le Moulleau
Cette photographie de moi, tu avais tenu à la prendre un après-midi d'août, tu savais pourtant combien je détestais cela.
Non loin de la mer que j'avais voulu voir, nous étions attablés dans un jardin à l'ombre protectrice des arbres. Tu avais un haut de coton écru avec, me semble-t-il, un liseré de dentelle et ton sourire irradiait l'espace, je ne voyais que toi.
J'avais pris l'appareil, emprisonné cet instant comme si je ne voulais pas le voir s'évanouir, pour capter ta beauté lumineuse et, au final, à travers le viseur, plus encore que l'éclat de ton visage, ce fut la force inébranlable de ton amour qui apparut.
Je n'avais pu me baigner, je t'avais regardée avancer dans les vagues. De la main, je manifestais ma présence lointaine, signe dérisoire de mon impuissance. Je rageais de ne pouvoir nager à tes côtés.
J'avais détesté le sable de la plage ce jour-là, sa chaleur sous la plante de mes pieds engourdis, sa texture fuyante qui me faisait marcher de guingois, sa couleur éblouissante et son inconfort qui ne semblait gêner tous ces corps dénudés allongés.
Cette photographie, je n'avais pas voulu la regarder, témoin d'un présent disparu dont je ne voulais conserver trace.
Elle était celle d'un homme que je ne reconnais pas, il ne restait rien du vert irisé des paillettes dorées de ses yeux, le noir des pupilles semblait avoir tout digéré et son regard, malgré son esquisse de sourire, ne pouvait faire illusion.
Pourquoi tenons-nous tant à capturer les instants éphémeres de nos vies ?
Des clichés où nous croyons tenir la mort à distance. Et pourtant, combien elle y est déjà présente, vivante.
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05.02.2021
Là
Là
en cet instant
au monde
présent
et
dans le même temps
étrangement absent
entre parenthèses.
22.12.2020
love journey 8
Je m'abandonne à la douce chaleur de tes mains
Posées immobiles sur mon dos nu
Elles me rassurent
La tête au creux de ton épaule j'écoute
Lente, régulière et profonde ta respiration
Elle m'apaise
Les pulsations de ton cœur rythment chacune de mes nuits
Je les épie au long de mes insomnies
Je voudrais que jamais il ne cesse de battre
Ton coeur
Rester à jamais blottie dans tes bras qui m'enlacent
Parfois je ne sais si tu me crois
Quand je dis que jamais je n'ai connu cela
Ton sourire alors - tu ne le sais pas - me transperce
Tu n'as pas à douter
Non tu n'as pas à douter.
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29.11.2020
Silver Letters 1 : aucune photographie
Je m’allonge sur le sable des jours à la recherche de la lumière
Sur ta peau, de la texture de ta peau - sensation disparue de mes doigts.
Pourtant, je l’ai si souvent caressée ta peau, si souvent parcourue, si souvent effleurée
De ma langue, de mes lèvres, de l’extrémité de mes phalanges.
Dire cela, dire « ta peau » est devenu presque inconcevable.
Dire « ta peau » est de l'ordre de l'effort phonatoire.
Oser dépasser le silence muré.
Je ne parviens plus à penser « ta peau », j'ai peur de ne plus parvenir à te penser « toi ».
Je m’allonge à la recherche de ton empreinte sur mes rétines usagées,
Mes dents grincent au flou de ton sourire qui s'est fané.
Seules trois images fixes – je mesure à présent combien tu déjouais mes tentatives – ont réussi à te capturer.
Sur l'une - prise de suffisamment loin pour te surprendre - on devine à peine ton visage,
La peau de ton corps a le cuivre de l'été, tu es au bord d'un torrent, tes cheveux sont mouillés,
La couleur de tes yeux - ce vert si particulier qui m'aimantait - n'est pas visible,
Ni celle de tes lèvres. Tes lèvres qui m'embrassaient, chaudes, humides.
Tes lèvres dont je ne sais plus le goût.
Sur les deux autres, tu marches de dos – ne pas donner prise - tes cheveux sont libres,
Ils étaient blonds et longs. Tu portes un jean, une marinière et des baskets blanches – à l'époque,
Je crois que c'était à la mode mais tu te moquais de la mode.
La courbe de tes hanches n'est que sensualité – tout du moins, je veux le concevoir ainsi.
Ces hanches où s'arrimaient mes mains. Insolente beauté minérale.
Je m'allonge sur le sable des années à la recherche de cette lumière si particulière qui, le soir,
Inondait la baie et la digue de pierres maçonnées où nous marchions.
Cette lumière, je l'espère toujours, à chaque fois que je longe le golfe, entre mer et marais,
A chaque fois que la brise qui caresse les roseaux me rappelle ton souffle,
Ton souffle qui peuplait mes nuits.
Une quête apaisée. Comprendre bien après. Quand l'absence s'est installée,
Au creux des années, la béance infinie du manque. Accueillir la douleur,
L'accepter pour douce compagne.
« Aucune photographie » disais-tu. Ne pas être par les grains d’argent emprisonnée
A jamais. Ne pas être comme déjà disparue.
Demeurer présente.
Intensément.
Je m'allonge sur le sable des années, je fouille ma mémoire à la recherche de vieux souvenirs.
J'ai peur, j'ai peur de ne plus parvenir à te penser « toi ».
« Aucune photographie » disais-tu.
« Aucune photographie ».
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22.11.2020
Silver Letters 2 : le papier argentique
Ainsi, en ce jour d'automne, alors que se referme la terre
Noire, nous serions à jamais seuls à connaître cet ignoble
Passé. Nous serions à jamais seuls à savoir ce que criait
Ton regard noir d'enfant capturé sur le papier argentique.
Ainsi, jusqu'à mon ultime départ, il continuerait donc à hanter
Mes nuits, ce regard. Ce regard que je n'ai su déchiffrer.
Ce regard qui, dans une lutte sourde inégale, affrontait
Celui du photographe, ce voleur de ton enfance murée
Dans le silence. Ce photographe qui dérobait la blondeur
De tes boucles d'enfant, et sur la pellicule, jouissait
De ta souffrance muette, je voudrais que jamais
Il n'eut d'existence. Ce photographe qui avait déjà scellé
Notre destin.
Ainsi, en ce jour d'automne, alors que tous ceux qui auraient dû
Te protéger sont désormais à l'abri de cette terre noire, tu serais
A jamais seule à vivre avec cette béance infinie, à sourire
A ceux qui t'entourent et ignorent tout de tes blessures
Parce que tu as choisi le silence.
Ainsi, en cette terre, je serais seul à connaître un fragment
Infime de ta vérité, à porter, selon la promesse exigée,
Le fardeau du secret.
Parfois, je voudrais t'en vouloir de cette confidence échappée
Des décennies après. Mais, comment le pourrais-je ? Moi
Qui n'ai pas su fermer les portes aux fantômes qui te terrorisaient
Le soir dans la chambre nuptiale. Seule me dévore encore
Une colère infinie envers lui que la terre protège. Je voudrais
Oser briser la stèle érigée en son souvenir, la réduire en infime
Poussière grise et terne, broyer ses os, misérables vestiges,
Et les voir se dissoudre dans les eaux sombres du fleuve
Qui gronde, pour que rien de lui ne demeure sur cette terre.
Je voudrais crier à tous ceux qui, dupés, l'ont aimé,
Au monde entier, quel monstre il était.
En ce jour d'automne, alors que se referme la terre, je pense
A toi, lointaine sihouette muette errant dans les landes sombres
De ton enfance dévastée.
En ce jour d'automne, alors que se referme la terre, je ne désire
Que le bleu du ciel, limpide, et qu'un jour, tu choisisses de parler
Pour être enfin apaisée.
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20.10.2020
Concision 106
Rêvé du son clair
En cette nuit mauvaise
De l'eau d'un torrent.
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11.10.2020
Concision 105
Rideau gris de pluie
Dans le silence des tombes
Immobile seul.
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28.09.2020
Concision 104
Tâches sur mes mains.
L'automne s'est installé
ou est-ce l'hiver ?
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19.09.2020
la fabrique 13 : ça cause oh ça cause
oh ça cause ça cause dans les journaux ça cause ça cause oh ça cause de tous les côtés ça cause ça cause ça donne son avis oh ça cause ça cause sur les écrans un flot ininterrompu ça cause ça cause oh ça cause pour dire tout et le contraire oh ça cause ça cause les experts proclamés des qui savent tout des qui ne savent rien mais savent quand même ça cause ça cause des qui disent peut-être oui peut-être ben que non oh ça cause ça cause des sinistres et des démagos oh ça cause ça cause ça cause des sommités vite désavouées par d'autres sommités désavouées par d'autres sommités oh ça cause ça cause oh ça cause ça cause entre deux pages de pub des célébrités éphémères des qui disent qu'ils ne sont pas devins mais qui vous annoncent le pire ou le meilleur oh ça cause ça cause ça cause ça adore causer et même quand des plus humbles osent la prudence la marée les emportent à toute berzingue vers l'oubli oh faut que ça cause que ça alimente le flot que ça fasse monter la mayonnaise ça cause ça cause faut scorer à l'audimat ça cause ça cause oh ça cause des pseudo journalistes des vendeurs d'audience des présentateurs de bruit des égos démesurés ça cause ça cause oh ça cause faut être en tête de gondole alimenter le buzz ça cause ça cause partout ça cause faut faire dans le sensationnel oh ça cause ça cause oh ça cause ça cause du bruit du bruit encore et toujours du bruit toujours du bruit toujours du bruit oh ça cause ça cause ça cause oh ça cause
mais le silence est d'or mais le silence est d'or mais le est d'or mais le est
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14.09.2020
Comme le roseau
le soir tombe
la mer étale lèche l'or de la plage
dans la lumière rasante un paysage incongru
de quiétude de sérénité
je n'ai pas de mots pour dire l'insoutenable
donne-moi la main et serre-moi fort dans tes bras
donne-moi la main et serre-moi fort dans tes bras
parce que ce soir j'ai froid
très froid
nous allons regarder le soleil se coucher
l'horizon se couvrir de rose
et demain matin nous regarderons ce même soleil se lever
comme à chaque jour de l'humanité
et nous continuerons
à vivre
parce que nous sommes ici pour vivre
à nous aimer
parce que sans amour serions-nous des femmes et des hommes
et nous continuerons
à chanter
parce que les chansons brisent le silence
à rire
parce que sans rires que seraient nos pleurs
donne-moi la main et serre-moi fort très fort dans tes bras
et nous continuerons
à rêver
parce que sans rêves il n'y aurait pas d'espoir
à lire
parce que libres nous voulons pouvoir interpréter
à écouter de la musique
parce que depuis que nous avons des rituels elle est nécessité
à danser
parce que nous dansons depuis que nous attendons la pluie
depuis longtemps
depuis la nuit des temps
nous savons la fureur aveugle le bruit des armes et le goût des larmes
depuis longtemps
depuis la nuit des temps
comme le roseau nous continuons vivants
depuis longtemps
depuis la nuit des temps
nous continuons
debout
27.08.2020
Concision 103
Murmure du vent
Danse de pétales roses
Un couple enlacé.
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13.07.2020
Concision 102
Au bruit de son souffle
seules bougent ses côtes
Danseuse impassible.
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14.06.2020
Concision 101
A l'angle des rues
L’œil bleuté des caméras
Nos vies capturées.
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07.06.2020
Concision 100
Tracées au cordeau
Rues et places rénovées
Villes de pâle ennui.
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14.05.2020
Concision 99
Immobile nu
Au bord du sombre abîme
Oscille plonge.
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10.05.2020
love journey 7
Je regarde tes mains je sais leur histoire
que les doigts de la gauche furent brisés que ceux de la droite ont caressé d'autres corps
je sais leur chaleur sur ma peau leur douceur sur mes hanches
Les hommes ignorent souvent combien amoureuses nous pouvons nous attacher à des fragments de leur corps combien ceux-ci provoquent et entretiennent notre désir
Je t'apprends le désir amoureux d'une femme tu m'apprends la confiance
Je sais combien la révolte te ronge combien tu te détestes d'être complice par ton silence
Je veux t'offrir l'apaisement t'apprendre la sérénité
Je n'ose imaginer un jour te perdre.
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27.04.2020
la fabrique 11 : le bruit du monde
J'ai écrit et mis en ligne ce texte en mai 2016. Il me semble cruellement contemporain.
Tu as beau te perdre dans l'immensité bleue contempler le brun des algues et la ligne noire des îles au large tu ne parviens plus à oublier le monde qui t'entoure tu ne parviens plus à oublier le monde qui t'entoure Tu as beau te noyer dans des vagues de sons électroniques te plonger dans d’éclectiques lectures éviter le flot des écrans cathodiques tu ne parviens plus à oublier le monde qui t'entoure tu ne parviens plus à oublier le monde qui t'entoure Chaque matin tu marches un peu plus oppressé tu as beau presser le pas tenter de détourner le regard emprunter d'autres chemins où que tes pas te portent la misère du monde te rattrape la misère du monde te rattrape Chaque jour tu te demandes ce que sont devenus vos rêves tu voudrais échapper à cette lassitude qui t'envahit te glisser dans les interstices éviter la douleur de savoir mettre ce monde entre parenthèses mettre ce monde entre parenthèses Tu as beau vouloir espérer encore un peu tu ne parviens plus à échapper au bruit du monde qui t'entoure tu ne parviens plus à échapper au bruit du monde qui t'entoure tu ne parviens plus à échapper au bruit du monde tu ne parviens plus à échapper au bruit du monde échapper au bruit du monde échapper au bruit du monde échapper au bruit du monde échapper au bruit du monde au bruit du monde au bruit du monde au bruit du monde au bruit du monde.
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10.04.2020
Concision 98
Matin de printemps
Au chant des oiseaux, sur sa peau
la lumière joue.
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05.04.2020
Concision 97
Son mat de mes pas
dans cet espace restreint
Au loin arbres en fleurs.
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02.04.2020
Concision 96
Caresse ses seins
la lumière de l'aurore
Endormie, je la regarde.
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