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Chanter en français : pas déjà vieux !

J'avais écrit un article qui portait le même titre en 2014. Comme il ne me satisfaisait pas vraiment, je l'ai modifié. Voici donc une seconde version en attendant une hypothétique troisième !

C'est un entretien de Jean-Louis Murat accordé dans le cadre de la promotion de son dernier album (Télérama) qui m'avait initialement fait réagir en 2014. Il y déclarait entendre trop de "de petits singes sous-doués, qui chantonnent dans un anglais de cuisine qui fait rigoler la Terre entière…" L'indigence des textes peut certes se cacher sous l'emprunt d'une autre langue mais il faudrait aussi dire à notre auvergnat, par ailleurs fort lucide sur lui-même, qu'elle existe aussi depuis longtemps dans les chansons écrites en français. Les "petits singes sous-doués" doivent exister dans toutes les langues, quoique la notion de "doué" et par conséquent de "sous-doué" (cette bonne vieille idéologie du don) me fasse non seulement depuis toujours grincer des dents mais m'irrite quelque peu (je conseillerai à Murat, s'il dispose d'un peu de temps, de lire ou relire Bourdieu sur la question de l'idéologie du don). Et l'expression "petits singes" n'est pas des plus élégantes, je la trouve même fâcheuse quand on compare des hommes ou femmes à ces animaux qui n'ont rien demandé et qui ont le droit d'être petits. Quittons Jean-Louis Murat et ses propos acerbes, ce qui ne m'empêche pas d'apprécier ses albums dont le magnifique "Charles et Léo" pour nous intéresser à la présence de l'anglais dans la chanson.

Je ne sais pas si le rêve de faire une carrière internationale sous-tend l'emploi de l'anglais par de jeunes artistes qui sont la plupart du temps inconnus ou presque. Feraient-ils preuve d'autant de naïveté en croyant cela ?

Je crois que le phénomène est peut-être lié à autre chose. Nous vivons dans un monde qui s'est métamorphosé radicalement en l'espace de quelques décennies. Un monde où les échanges, les emprunts, les jeux d'étiquettes, la production et la diffusion massive de produits industrialisés, la consommation de ces mêmes produits (culturels alimentaires, etc.) font désormais partie du quotidien d'une part grandissante des habitants de ce monde. Un monde où la nouveauté, l'immédiateté, la consommation à tout crin priment.

Il n'y a donc rien d'étonnant dans le fait d'entendre des chansons écrites en anglais, langue dominante, dans ce monde. Les rapports de domination ne s'arrêtent pas à la porte de la chanson.

Et puis, il ne faudrait pas tomber dans un réflexe protecteur, un repli sur soi, une réaction de défense qui laisserait à croire que nous sommes menacés d'un danger. Chanter dans une autre langue n'est pas nouveau (pensons à ceux qui enregistrent depuis bien longtemps des disques qu'ils vendent fort bien en allemand, en japonais, etc.). Ce qui pourrait poser question, ce serait que les chansons écrites en français ne trouvent plus place, ce serait que personne ne veuille écrire dans cette langue. Or, il me semble que nous sommes loin de cette situation au vu de la chanson francophone de qualité que j'ai le plaisir de découvrir et d'écouter. Certains artistes ont même effectué un chemin de l'anglais vers le français (Pain- Noir par exemple).

Et puis, tout cela masque d'autres débats qui sont de l'ordre du système de production et de diffusion (qui n'a rien de spécifique à la musique, pensons à la majorité des auteurs qui ne vit pas de ses romans, de ses BD, de ses chorégraphies... mais aussi à toutes ces personnes qui travaillent chaque jour et reçoivent un salaire qui leur permet juste de survivre).

Si nous avons à agir, c'est, d'une part en écoutant et en faisant connaître ceux qui écrivent des chansons en français ou dans d'autres langues quand elles nous plaisent, d'autre part en soutenant à la mesure de nos moyens les artistes qui tentent, non sans difficultés, de créer.

Et les artistes qui emploient exclusivement ou non la langue française sont loin d'être inexistants ! Des plus connus aux plus obscurs, il y a de quoi passer des jours et des jours à se régaler !

Citons sans classement de qualité ou d'audience : Lou, Verone, Barbarie Boxon, Robi, La Féline, Feu! Chatterton, La Rive, Cheval Blanc, Facteurs Chevaux, Dominique A., Hugues Pluviôse, Claire Redor, Jean-Louis Murat (mais oui !),  et tant d'autres.

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