Concision 40
Rivière grise
A la dérive des corps
Évanouis les chants.
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Rivière grise
A la dérive des corps
Évanouis les chants.
De l’arbre arracher la mousse le lierre et l’écorce
Fouiller le sombre ronger le cœur écouter la voix
des ombres
Vouloir dissoudre la mémoire
Griffer le derme oublier les visages les mains et les seins
Étouffer les cris le bruit des bottes et celui des trains
Vouloir ne plus savoir ne plus pouvoir voir
Arracher la mousse le lierre et l’écorce
Vouloir dissoudre la mémoire
Les corps ne plus dénombrer jusqu'au vertige
Fuir les regards et les miroirs
Étouffer les cris les plaintes et les pleurs
Éteindre les braises la chaux et les flammes
Dissoudre la mémoire
Ne plus avoir de mots pour dire l'effroi
Arracher la mousse le lierre et l’écorce
Fouiller le sombre ronger le cœur écouter la voix
des ombres
Vouloir dissoudre la mémoire
Et savoir que cela demeurera
Fouiller le sombre ronger le cœur écouter la voix
des ombres
Dissoudre la mémoire
Savoir avoir toujours su
Et que cela demeurera
Et que cela demeurera
Murs immaculés
Odeur de bitume chaud
Maquillée la misère.
J'ai suivi le chemin des douaniers
celui qu'autrefois tu aimais emprunter
j'ai descendu les marches taillées dans la roche noire
regardé la mer grise à peine ridée
ça et là dérivaient des lambeaux d'algues brunes
au large
on devinait de sombres langues de terre
les îles sous la pluie
j'ai foulé l'or éteint de la crique qui glaçait mes pieds nus
est-ce cela le monde où nous devons vivre
une plage pour seul tombeau
j'ai laissé la mer lécher mes chevilles
elle ne me réchauffait plus comme avant
quand tu suivais le chemin côtier
j'ai laissé l'écume se déposer sur ma peau
et j'ai attendu que l'obscurité tombe
le vent mordait mon visage
au large on devinait quelques lumières tremblantes
est-ce cela le monde où nous devons vivre
la mer pour unique linceul
j'ai laissé la nuit dissoudre mes derniers espoirs
longé la grève pris le sentier côtier
celui qu'autrefois tu aimais emprunter en me tenant la main
et des gouttes d'eau mouillaient mon visage
et des gouttes d'eau mouillaient mon visage
Sphère jaunâtre
dans la brume suspendue
Sous son regard mes rides.
Plus cruel qu'endurer
chaque jour qui vient
Un horizon de désespoir.
Odeur de varech
Les yeux clos reposant seul
A l'envers du monde.
En 1987, le recueil de tankas "L'anniversaire de la Salade" est publié au Japon et rencontre un succès inattendu pour un premier ouvrage de poésie. Machi TAWARA a, depuis ce premier ouvrage, publié d'autres recueils de tankas. Cet ouvrage est disponible à un prix modique dans la collection poche des Éditions Philippe Picquier, incontournable éditeur pour qui s'intéresse à la littérature japonaise. La traduction de l'ouvrage a été réalisée par Yves-Marie Allioux.