En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
C'est avec l'album "Mémoire Tropicale" que je vous quitte pour un peu de repos loin de toute connexion. Le retour devrait s'effectuer dans deux semaines pour la nouvelle année 2015.
La fin de l'année approche. MB&P a le plaisir de publier un troisième entretien réalisé avec l'hapax, un groupe originaire du Nord de la France et présenté dans deux courtes chroniques en octobre 2014. Auteur d'un premier album "circles" en 2012, l'hapax a réalisé un EP "cuttlebone" de 6 titres en 2014. Le trio est composé de Sven (Voix - Guitare), de Tristan Bacro (Piano - Claviers) et de Timothée Couteau (Violoncelle). Cette formation, sans basse ni batterie, crée un univers sonore fascinant, envoutant. Si les morceaux de l'hapax semblent se déployer avec facilité, laissant chaque auditeur se fabriquer ses images mentales, ses voyages imaginaires, ils révèlent aussi une grande qualité d'écriture sans laquelle cette tension, cette intensité ne pourraient saisir l'auditeur.
MB&P : Quelles sont les raisons du choix de ce nom de groupe l'hapax ? De quelle ambition artistique est-il porteur ?
Timothée : l'hapax désigne un événement unique, qui ne se produit qu'une fois et change le cours des choses. La première fois que nous nous sommes rencontrés, sans nous connaître, nous avons décidé qu'en une après-midi nous enregistrerions un morceau et qu'il resterait dans cet état, sans y revenir ultérieurement. Quand le mot 'hapax' est venu à nos oreilles, nous nous sommes reconnus dedans.
MB&P : Je vous ai découverts par le titre « human ». Il y a dans vos compositions une combinaison voix, violoncelle, claviers et guitare qui crée une musique visuelle, quasi-cinématographique et obsédante. Est-ce que c'est un aspect que vous recherchez spécialement, cette force d'évocation ?
Chaque morceau pourrait être un générique de fin... Lorsqu'un film se termine, chacun peut en imaginer le contenu et la suite. Et c'est souvent ce qui revient dans les musiques de l'hapax.. Chacun peut se raconter sa propre histoire ! Et elles peuvent être très différentes : longue marche, recherches, fouilles, jeu de cache cache, rêves et cauchemars, négociations, paysage tourmenté à la fois angoissant et énigmatique, une nature perpétuellement en changement où l'on cherche une place.
MB&P : A l'écoute de « circles » et de « cuttlebone », il m'a semblé que vos compositions musicales avaient légèrement évolué. Je pense par exemple à des titres tels qu' « adrift & lost », « obnoxious », « timorous », tous magnifiques au demeurant. Il me semble que les effets sont plus présents ainsi que des passages plus heurtés, plus saccadés, plus dissonants qui étaient déjà annoncés dans « plastic » sur votre précédent opus. Qu'en est-il selon vous ?
Quand on a démarré ce projet, on s'est entêté à ne pas utiliser d'autres instruments que les nôtres (voix, guitare, violoncelle et clavier) en gardant un esprit 'acoustique'. Pourtant, nous avons eu l'envie d'y mettre autant d’énergie qu'un groupe de rock. Se contraindre à rester sur son instrument oblige à en explorer toutes les possibilités, et en explorer aussi les côtés sombres. Ce qui nous intéresse aujourd'hui c'est que des moments d'extrême tension côtoient des instants plus posés. Comme un ciel d'été qui virerait à l'orage. Cuttlebone est le préquel de circles, il évoque la fracture provoquée par ces deux visions.
MB&P : Vous avez un univers et un son singuliers. Quelles sont les influences musicales, les arrière-plans musicaux qui ont contribué à les créer ? Il me semble aussi que vous n'êtes jamais dans le trop, l'excès (le trop de notes, le trop d'effets, etc.) mais à la recherche de ce qui sonne juste, de la complémentarité des quatre instruments ?
Moins on utilise d'instruments et plus on a de place. Et plus on a de place, plus notre rôle est important... Et donc, on ne peut pas 'balancer' des notes au hasard, tout s'entend... Ce qui fait, peut être, la force de ce groupe, c'est qu'on n'utilise pas le studio avec toutes ses possibilités d'arrangement, de multipistes, etc. Ce qui nous oblige à rester à nu, et ce qui fait que notre musique n'est pas dépendante d'un effet ou d'un mix, mais juste d'une écriture qui nous permet de la jouer partout : sur des grandes scènes, dans un salon, dans une église, etc.
Nos références sont multiples et variées... Nick Drake, Nick Cave, Tom Waits, Can, Velvet Underground, Tindersticks, Bashung, Mano Solo, Swell, Radiohead...
MB&P : Comment se déroule le travail de création de vos titres ? Est-ce que les textes sont écrits avant, en même temps ? Est-ce qu'il s'agit de compositions collectives ? Existe-t-il une part d'improvisation musicale pour chacun d'entre vous ?
La méthode évolue avec le temps. Au début, Sven arrivait avec une chanson guitare/voix, et l'arrangement piano/violoncelle était fait en une après-midi. Tous les titres de 'circles' ont été enregistrés sur ce principe. Maintenant, on garde cette idée de spontanéité, mais en s'autorisant des écarts. L'improvisation nous sert de source, mais on la filtre ensuite pour trouver les sons définitifs, et écrire l'arrangement.
MB&P : Pour quelles raisons avoir choisi de chanter en anglais ? Est-ce qu'un jour vos textes seront disponibles pour ceux qui comme moi sont plus à l'aise avec l'anglais à l'écrit qu'à l'oral ?
Une question pour Sven, qui écrit les paroles, mais selon moi, écrire en anglais permet que le sens des mots soit un choix pour l'auditeur. Nous les faisons sonner comme des notes de musique. D'ailleurs, si les musiciens n'utilisent que 12 notes, le champ lexical des textes est volontairement restreint pour aller dans ce sens. Pour l'instant, donner le texte reviendrait à brider l'image.
MB&P : Comment faire pour exister dans le paysage musical français ? Je crois que vous avez gagné plusieurs tremplins. Comment envisagez-vous la suite ?
Grande question... Et si nous avions la réponse... Même en ayant gagné quelques tremplins, la route est encore longue, et, peut être que si nous sommes un tout petit peu 'connus' dans le Nord, nous sommes certainement très loin de l'être en dehors de chez nous... Ce dont je suis sûr, c'est qu'il faut y travailler tous les jours...
Avec l'hapax, nous avons toujours eu la chance d'être rattrapés par les événements... Croisons les doigts pour que cela continue !
MB&P : Quelle est la question que vous aimeriez que l'on vous pose sur votre travail artistique et qui ne vous est jamais posée ? Quelle(s) réponse(s) donneriez-vous ?
Hé bien c'est la question qui suit...
MB&P : Quels sont les poètes qui ont tout particulièrement marqué votre itinéraire personnel ?
Sven : Cette question me ravit... je pense que tout commence là ! Découvrir les classiques, Baudelaire, Verlaine, Prévert, Saint John Perse, Mallarmé, Paul Eluard, Lautréamont, Cioran, Apollinaire, Rainer Maria Rilke, Oscar Wilde, la beat generation Bob Kaufman, Ferlinghetti, Allen Ginsberg, Burrough, Bukowsky etc etc... lorsque l'on découvre la poésie, on se rend compte que tout est partout et nulle part... comme dans circles, être perdu et chercher, c'est déjà vivre quelque chose...
MB&P : Pour terminer, qu'écoutez-vous en ce moment ?
Timothée : Personnellement, là, dans mon autoradio, Morcheeba : dive deep. Mais j'avoue que j'écoute tellement de choses pour les travailler que le silence ne me dérange pas !
MB&P : l'hapax, je vous remercie beaucoup non seulement pour avoir accepté cet entretien mais surtout pour vos deux opus qui gagnent à être écoutés par le plus grand nombre.
Merci à vous de contribuer à cela ! Et pour la question que l'on ne nous avait jamais posée !
Vous trouverez ci-dessous une sélection de morceaux de l'hapax. Vous pouvez écouter et vous procurer leurs albums sur leur page bandcamp.
Le dernier album d'Olivia Pedroli "A Thin Line" fait partie de ceux qui m'aura accompagné en cet automne 2014. Difficile de choisir des chansons alors peut-être "The Other Side" et "Silence" extraites de l'album studio puis cette très belle version live de "This is where it starts".