Je me souviens encore de la chaleur de son dernier été
Entre mes bras, léger, oscillait son corps
Tenter de se tenir debout occupait chaque instant de sa vie
La douleur aussi
Muette, implacable
Je n'ai jamais rien su de lui
Rien qu'il n'eut voulu me confier
A l'exception de ses silences ou de ses colères, rares, violentes
Comme un trop plein qui devait s'évacuer
Un trop plein assourdissant de silences
Tout ce que j'ai pu apprendre, ce sont les autres qui me l'ont dit
Des morceaux de vie, épars, sans cohérence apparente
Maintenant que je crois savoir, il n'est plus là
Depuis longtemps, depuis si longtemps, il s'était échappé de ce monde
Depuis ces longs mois de souffrance muette en des contrées lointaines, de l'autre côté de la Méditerranée
Là où la guerre n'était pas officiellement une guerre Là où sa jeunesse, ses espoirs, sa joie ont disparu à jamais
Comme pour tant d'autres
Vivants mais broyés définitivement
A son retour, il n'était plus le même
A son retour, j'étais un inconnu il m'était inconnu
Il n'avait eu la permission de me voir qu'une seule fois après ma naissance
Maintenant, je suis seul avec les lambeaux de sa vie
Maintenant, je suis seul et je ne peux plus rien lui dire
Seul demeure ce silence assourdissant que sa voix ne viendra plus jamais troubler
Seul je demeure à écouter les vagues mourir sur la plage, à imaginer ce que fut la vie de ce jeune homme parti contre son gré
Loin très loin de l'autre côté de cette immensité d'un bleu si cruel.