Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Album of the Month : Mirel Wagner, « When The Cellar Children See The Light Of Day »

J'attendais avec quelque appréhension la parution de son second album depuis que sa sortie avait été annoncée chez Sub Pop. L'auteure-compositrice-interprète allait-elle modifier son style ? Serait-elle capable d'égaler la qualité atteinte dès sa première réalisation ? Allait-elle nous dérouter, nous surprendre en explorant d'autres chemins ?

La réponse commença à s'esquisser lorsque son nouveau label dévoila « Oak Tree » puis « The Dirt ».

Au passage, une digression pour dire mon irritation sur cette stratégie devenue quasi-systématique et loin d'être nouvelle, qui consiste à annoncer un album morceau par morceau bien avant sa sortie. Je sais bien que, dans ce monde, la musique n'échappe pas aux règles du marché, bien culturel certes mais aussi bien marchand. Mais enfin, rien de plus désagréable parfois que de découvrir ce qui devrait former un tout, ce qui devrait relever d'un projet d'ensemble, de façon fragmentée.

Le second album de Mirel Wagner ne marque, selon moi, aucune rupture importante. Les changements les plus nets semblent résider dans les choix effectués en studio qui donnent peut-être un son plus net, un chant plus direct, plus clair, avec, assez rarement, l'apport en arrière-plan de voix et de quelques instruments.

Les articles élogieux vont fleurir - ils commencent déjà. La critique spécialisée a besoin de s'emparer d'artistes et de nous offrir, avides consommateurs que nous sommes, de la nouveauté : le nouveau Nick Cave, la nouvelle PJ Harvey... Je n'y échappe pas non plus d'ailleurs dans ce blog. Dès son premier disque, les comparaisons avec d'illustres prédécesseurs tel Léonard Cohen ont fleuri. Je ne suis pas certain de leur intérêt même si l'on sait que rien ne s'écrit sans avoir été nourri par ce que d'autres ont écrit.

En dix titres, Mirel Wagner continue de nous livrer un univers sombre, dépouillé, grave mais toujours aérien. La guitare est toujours omniprésente, des cordes apparaissent quelquefois, son phrasé et sa voix sont toujours au service de textes sans jamais tomber dans l'excès.

Pas de fioritures en ces terres.

C'est peut-être ce qui est le plus troublant, le plus attirant, ce qui constitue la plus grande qualité de Mirel Wagner : l'austérité, la sobriété, le caractère spartiate, monacal de ses compositions et de son chant et en même temps, la capacité à chanter les textes les sombres de façon lumineuse. On sent qu'elle aurait les capacités vocales pour laisser éclater son chant mais cette retenue lui permet de trouver la justesse appropriée dans son interprétation, de créer une intensité remarquable avec une économie de moyens.

Isoler certaines des dix chansons serait peut-être injuste tellement elles forment un tout d'une grande cohérence. Pourtant, je ne peux résister à mentionner certaines d'entre elles qui m'ont particulièrement touché :

  • « The Dirt » avec ses accords plaqués puis ces quelques notes (jouées en slide?) posées simplement, quasi déchirantes, et ses paroles « Mama, Don't cry, You can't eat the dirt » :

  • la superbe « What Love Looks Like » avec cette question qui revient «  Is this what love looks like ? » et où Mirel Wagner par son phrasé exceptionnel et cette composition minimaliste basée sur quelques notes parvient à créer une intensité remarquable ;

  • « Goodnight », telle une berceuse tendre et rassurante qui s'achève avec « Tomorrow will be all right, Together forever », accompagnée en arrière-plan de quelques discrètes notes de piano et de violoncelle ;

  • mais comment oublier celle qui ouvre l'opus et qui égrène comme une comptine enfantine chantée 1 2 3 4, ou bien les non moins réussies « In My Father's House », « Dreamt of a Wave », « The Devil's Tongue » et « Taller Than Tall Trees », « Ellipsis » et ses cordes discrètes, « Oak Tree » qui s'achève par un dernier « sweet dreams ».

Mirel Wagner ne fait pas dans la profusion, l'apparat inutile. Elle trace une voie obsédante et lumineuse au milieu du bruit de ce monde. Elle instaure presque un silence vertigineux, un espace où chaque note, chaque parole compte dans ce monde saturé. Mirel Wagner n'a guère besoin d'artifices parce qu'elle puise au plus profond de ce qui nous traverse et nous l'offre à écouter, nous le révèle. Et c'est cela qui donne une rare épaisseur, une densité extrême à l'ensemble de ses chansons. Que cela se poursuive longtemps.

P.S. : Je tenais à souligner combien je suis redevable à Sabine, amatrice passionnée du blog musical WMIMM, malheureusement en sommeil depuis de longs mois, d'avoir attiré mon attention sur le premier opus éponyme de Mirel Wagner lors de sa sortie. On pourra lire ici la chronique élogieuse qu'elle écrivit, conquise par cette entrée magistrale de cette jeune artiste qui nous vient de Finlande.

Les commentaires sont fermés.