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  • Après avoir écouté « Le seul moment » de Lou

    Après avoir écouté « Le seul moment » de Lou

    pour Lou

     

    Un soir de décembre,

    dans ma boîte aux lettres,

    déposée par le facteur,

    j'ai découvert une enveloppe.

    Mes doigts ont deviné votre album.

    J'aime à savoir qu'il a parcouru

    cette distance entre vous et moi

    grâce à des femmes et des hommes,

    des porteurs de messages,

    d'un temps bientôt révolu

    où les mots d'amour

    parvenaient avec lenteur

    à ceux qui les espéraient.

    Je l'ai laissé posé sur la table

    seul, en instance.

    Je suis parti, appelé par l'ordinaire du quotidien.

    Il était là, abandonné sur la nappe de fêtes, rouge.

    J'ai juste eu le temps de transférer

    sa version numérique sur ma machine à MP3.

    Le matin suivant, à six heures,

    le vent soufflait et les vagues étaient mauvaises

    quand j'ai emprunté la route qui longe la mer.

    J'ai rejoint la gare où un TGV

    devait m'emporter vers la capitale,

    vers les obligations de ce monde.

    Et son bruit.

    J'étais assis, seul.

    J'ai sorti ma machine à fichiers compressés,

    posé le casque sur ma tête,

    fermé les yeux, appuyé sur la touche lecture.

    J'ai passé une partie de mon voyage

    en votre compagnie, dans une maison en ruines,

    en imaginant votre corps onduler lentement

    au son de votre chant – je ne vous ai jamais vue

    et écoutée sur scène. Je vous voyais danser,

    de ces danses où le corps s'abandonne

    au seul moment.

    Je vous ai toujours imaginée danseuse

    avant même que d'être chanteuse.

    Il y a dans vos chansons, leur musicalité,

    un ondoiement, une lente pulsation

    qui transporte peu à peu dans un état second.

    Comme quand, dans l'eau, sur le dos,

    au rythme lent de la houle,

    le ciel d'été tangue.

    Quand j'ai ouvert les yeux,

    par la vitre balayée de pluie,

    j'ai aperçu des arbres qui pliaient sous les rafales.

    J'ai cru y voir de vieux fantômes.

    Il y a toujours cette forme de paradoxe

    déjà si présent dans votre précédent album.

    Elle est votre signature, gravée sur le tronc

    d'un arbre au fond de la forêt.

    La gravité du propos alliée à cette légèreté

    ondoyante. L'épure aussi.

    Aller à l'essentiel.

    On ne sort pas indemne de l'écoute

    de vos chansons.

    Qu'elles nous disent quelque chose de vous

    n'a finalement que peu d'importance. Non.

    L'essentiel est qu'elles nous parlent de nous.

    Un chant universel

    qui se déploie dans une grâce ondulante et paisible.

    J'ai repris le train, parcouru le chemin

    en sens inverse.

    J'ai fui le bruit du monde,

    j'ai retrouvé la femme qui m'a emmené

    loin du pays des ombres.

    Vers d'autres contrées.

    Des contrées oubliées.

    Que je croyais inaccessibles.

    Là où le bonheur a le droit d'exister.

    Là où le plaisir naît du désir dans les regards.

    Là où l'amour n'est pas chimère mais juste

    de l'ordre du possible.