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Ecrire - Page 7

  • Silver Letters 1 : aucune photographie

    Je m’allonge sur le sable des jours à la recherche de la lumière

    Sur ta peau, de la texture de ta peau - sensation disparue de mes doigts.

    Pourtant, je l’ai si souvent caressée ta peau, si souvent parcourue, si souvent effleurée 

    De ma langue, de mes lèvres, de l’extrémité de mes phalanges.

    Dire cela, dire « ta peau » est devenu presque inconcevable.

    Dire « ta peau » est de l'ordre de l'effort phonatoire.

    Oser dépasser le silence muré.

    Je ne parviens plus à penser « ta peau », j'ai peur de ne plus parvenir à te penser « toi ».

    Je m’allonge à la recherche de ton empreinte sur mes rétines usagées,

    Mes dents grincent au flou de ton sourire qui s'est fané.

    Seules trois images fixes – je mesure à présent combien tu déjouais mes tentatives – ont réussi à te capturer.

    Sur l'une - prise de suffisamment loin pour te surprendre - on devine à peine ton visage,

    La peau de ton corps a le cuivre de l'été, tu es au bord d'un torrent, tes cheveux sont mouillés,

    La couleur de tes yeux - ce vert si particulier qui m'aimantait - n'est pas visible,

    Ni celle de tes lèvres. Tes lèvres qui m'embrassaient, chaudes, humides.

    Tes lèvres dont je ne sais plus le goût.

    Sur les deux autres, tu marches de dos – ne pas donner prise - tes cheveux sont libres,

    Ils étaient blonds et longs. Tu portes un jean, une marinière et des baskets blanches – à l'époque,

    Je crois que c'était à la mode mais tu te moquais de la mode.

    La courbe de tes hanches n'est que sensualité – tout du moins, je veux le concevoir ainsi.

    Ces hanches où s'arrimaient mes mains. Insolente beauté minérale.

    Je m'allonge sur le sable des années à la recherche de cette lumière si particulière qui, le soir,

    Inondait la baie et la digue de pierres maçonnées où nous marchions.

    Cette lumière, je l'espère toujours, à chaque fois que je longe le golfe, entre mer et marais,

    A chaque fois que la brise qui caresse les roseaux me rappelle ton souffle,

    Ton souffle qui peuplait mes nuits.

    Une quête apaisée. Comprendre bien après. Quand l'absence s'est installée,

    Au creux des années, la béance infinie du manque. Accueillir la douleur,

    L'accepter pour douce compagne.

    « Aucune photographie » disais-tu. Ne pas être par les grains d’argent emprisonnée

    A jamais. Ne pas être comme déjà disparue.

    Demeurer présente.

    Intensément.

    Je m'allonge sur le sable des années, je fouille ma mémoire à la recherche de vieux souvenirs.

    J'ai peur, j'ai peur de ne plus parvenir à te penser « toi ».

    « Aucune photographie » disais-tu.

    « Aucune photographie ».

  • Silver Letters 2 : le papier argentique

    Ainsi, en ce jour d'automne, alors que se referme la terre

    Noire, nous serions à jamais seuls à connaître cet ignoble

    Passé. Nous serions à jamais seuls à savoir ce que criait

    Ton regard noir d'enfant capturé sur le papier argentique.

     

    Ainsi, jusqu'à mon ultime départ, il continuerait donc à hanter

    Mes nuits, ce regard. Ce regard que je n'ai su déchiffrer.

    Ce regard qui, dans une lutte sourde inégale, affrontait

    Celui du photographe, ce voleur de ton enfance murée

    Dans le silence. Ce photographe qui dérobait la blondeur

    De tes boucles d'enfant, et sur la pellicule, jouissait

    De ta souffrance muette, je voudrais que jamais

    Il n'eut d'existence. Ce photographe qui avait déjà scellé

    Notre destin.

     

    Ainsi, en ce jour d'automne, alors que tous ceux qui auraient dû

    Te protéger sont désormais à l'abri de cette terre noire, tu serais

    A jamais seule à vivre avec cette béance infinie, à sourire

    A ceux qui t'entourent et ignorent tout de tes blessures

    Parce que tu as choisi le silence.

     

    Ainsi, en cette terre, je serais seul à connaître un fragment

    Infime de ta vérité, à porter, selon la promesse exigée,

    Le fardeau du secret.

     

    Parfois, je voudrais t'en vouloir de cette confidence échappée

    Des décennies après. Mais, comment le pourrais-je ? Moi

    Qui n'ai pas su fermer les portes aux fantômes qui te terrorisaient

    Le soir dans la chambre nuptiale. Seule me dévore encore

    Une colère infinie envers lui que la terre protège. Je voudrais

    Oser briser la stèle érigée en son souvenir, la réduire en infime

    Poussière grise et terne, broyer ses os, misérables vestiges,

    Et les voir se dissoudre dans les eaux sombres du fleuve

    Qui gronde, pour que rien de lui ne demeure sur cette terre.

    Je voudrais crier à tous ceux qui, dupés, l'ont aimé,

    Au monde entier, quel monstre il était.

     

    En ce jour d'automne, alors que se referme la terre, je pense

    A toi, lointaine sihouette muette errant dans les landes sombres

    De ton enfance dévastée.

    En ce jour d'automne, alors que se referme la terre, je ne désire

    Que le bleu du ciel, limpide, et qu'un jour, tu choisisses de parler

    Pour être enfin apaisée.

  • la fabrique 13 : ça cause oh ça cause

    oh ça cause ça cause dans les journaux ça cause ça cause oh ça cause de tous les côtés ça cause ça cause ça donne son avis oh ça cause ça cause sur les écrans un flot ininterrompu ça cause ça cause oh ça cause pour dire tout et le contraire oh ça cause ça cause les experts proclamés des qui savent tout des qui ne savent rien mais savent quand même ça cause ça cause des qui disent peut-être oui peut-être ben que non oh ça cause ça cause des sinistres et des démagos oh ça cause ça cause ça cause des sommités vite désavouées par d'autres sommités désavouées par d'autres sommités oh ça cause ça cause oh ça cause ça cause entre deux pages de pub des célébrités éphémères des qui disent qu'ils ne sont pas devins mais qui vous annoncent le pire ou le meilleur oh ça cause ça cause ça cause ça adore causer et même quand des plus humbles osent la prudence la marée les emportent à toute berzingue vers l'oubli oh faut que ça cause que ça alimente le flot que ça fasse monter la mayonnaise ça cause ça cause faut scorer à l'audimat ça cause ça cause oh ça cause des pseudo journalistes des vendeurs d'audience des présentateurs de bruit des égos démesurés ça cause ça cause oh ça cause faut être en tête de gondole alimenter le buzz ça cause ça cause partout ça cause faut faire dans le sensationnel oh ça cause ça cause oh ça cause ça cause du bruit du bruit encore et toujours du bruit toujours du bruit toujours du bruit oh ça cause ça cause ça cause oh ça cause

    mais le silence est d'or mais le silence est d'or mais le         est d'or mais le           est        

  • Comme le roseau

    le soir tombe

    la mer étale lèche l'or de la plage

    dans la lumière rasante un paysage incongru

    de quiétude de sérénité

    je n'ai pas de mots pour dire l'insoutenable

    donne-moi la main et serre-moi fort dans tes bras

    donne-moi la main et serre-moi fort dans tes bras

    parce que ce soir j'ai froid

    très froid

    nous allons regarder le soleil se coucher

    l'horizon se couvrir de rose

    et demain matin nous regarderons ce même soleil se lever

    comme à chaque jour de l'humanité

    et nous continuerons

    à vivre

    parce que nous sommes ici pour vivre

    à nous aimer

    parce que sans amour serions-nous des femmes et des hommes

    et nous continuerons

    à chanter

    parce que les chansons brisent le silence

    à rire

    parce que sans rires que seraient nos pleurs

    donne-moi la main et serre-moi fort très fort dans tes bras

    et nous continuerons

    à rêver

    parce que sans rêves il n'y aurait pas d'espoir

    à lire

    parce que libres nous voulons pouvoir interpréter

    à écouter de la musique

    parce que depuis que nous avons des rituels elle est nécessité

    à danser

    parce que nous dansons depuis que nous attendons la pluie

    depuis longtemps

    depuis la nuit des temps

    nous savons la fureur aveugle le bruit des armes et le goût des larmes

    depuis longtemps

    depuis la nuit des temps

    comme le roseau nous continuons vivants

    depuis longtemps

    depuis la nuit des temps

    nous continuons

    debout