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littérature - Page 24

  • Variation 4

    Elle derrière blottie

    tout contre Lui

    assis en tailleur

    Elle la bouche posée sur

    l'épaule nue de

    Lui sent la chaleur

    de ses seins de ses lèvres

    Elle de ses jambes de ses bras

    enserre Lui

    pose les mains sur

    les genoux d'Elle

    embrasse sa nuque son cou

    Lui effleure la peau si douce

    des cuisses d'Elle

    le visage enfoui

    dans les cheveux de

    Lui qui voudrait demeurer

    prisonnier d’Elle

    à jamais.

  • La fabrique de textes 5 : je m'agrippe

    Je m'agrippe je m'accroche

    Je m'agrippe à la paroi

    Je m'accroche je m'agrippe

    Je m'accroche à la roche

    Je m'agrippe je m'accroche

    Je m'agrippe à toi

    Je m'accroche je m'agrippe

    Je m'accroche à la vie

    Je m'agrippe je m’accroche

    Je m'agrippe je m’accroche

    J'ai peur j'ai peur du vide

    J'ai peur j'ai peur de l'abîme

    J'hésite j'hésite à poursuivre

    J'ai le vertige de vivre

    le vertige de vivre

    J'ai peur j'ai peur de ton absence

    J'ai peur j'ai peur de ton silence

    Je m'agrippe je m’accroche

    Je m'agrippe je m’accroche

    Je m'agrippe je m'accroche

    Je m'agrippe je m'accroche

  • La fabrique de textes 4 : ses lèvres

    Je pose un doigt sur ses lèvres Je caresse ses lèvres J'aime caresser ses lèvres Lentement Doucement J'effleure sa bouche de mes lèvres Mes lèvres sur ses lèvres Je sens son souffle son haleine J'aime sentir son souffle tout contre mes lèvres Mes lèvres frôlent ses lèvres Mes lèvres jouent avec ses lèvres Ma langue lèche ses lèvres Lentement Doucement J'aime ses lèvres lorsqu'elles sont légèrement mouillées Des gouttes de pluie sur ses lèvres Le goût salé de l'océan sur ses lèvres J'aime quand elle passe sa langue sur ses lèvres J'aime quand elle mordille ses lèvres J'embrasse ses lèvres Lentement Doucement J'aime embrasser ses lèvres Je l'embrasse à pleine bouche Bouche contre bouche Lèvres contre lèvres Salives mêlées Sa langue s'insinue dans ma bouche Langues emmêlées Nos lèvres s'unissent se confondent ne font qu'une Ses lèvres sur mes lèvres Je presse mes lèvres sur ses lèvres Ses lèvres vermeilles Ses lèvres brûlantes Ses lèvres gonflées J'aime le contact de ses lèvres sur ma nuque Ses lèvres sur mon torse Ses lèvres sur mon ventre Lentement Doucement Un sourire sur ses lèvres Lentement Doucement Je pose un doigt sur ses lèvres.

  • La fabrique de textes 3 : écrire, ça sert ?

    A quoi ça sert d'écrire ? Ça sert à quoi ça ? A qui ça sert d'écrire ? Ça sert à qui ça ? Ça sert à quoi une question comme ça ? Ça sert à qui une question comme ça ? Comme quoi ? Comme ça. Ça sert à rien une question comme ça ! Écrire ça sert à ceux qui écrivent à ceux qui lisent ceux qui écrivent à ceux qui écrivent sur ceux qui écrivent à ceux qui lisent ceux qui écrivent sur ceux qui écrivent.

    Écrire écrire écrire. Je les cherche les mots je les malaxe je les mélange je les remplace je les assemble je les triture je les combine je les écorche les mots je les apprivoise je les délimite je les encadre d'espaces. Des espaces entre les mots. De blanches césures. Comme un abîme. Un abîme de mots.

    Écrire ça sert à plonger dans un abîme. Écrire ça sert à ceux qui plongent dans l'abîme des mots. L'abîme me donne le vertige. Les mots me donnent le vertige. Le vertige au bord de l'abîme. Le vertige à la lecture d'un texte. D'écrire le vertige me prend. Écrire c'est comme éprouver la sensation du vertige. Écrire comme dans un déséquilibre. Écrire au bord du vide.

    Il y a ceux qui écrivent pour eux, seuls dans l’abîme. Pour un autre eux-mêmes.

    Il y a ceux qui écrivent pour eux et qui rêvent que les autres les lisent. Il y a ceux qui écrivent pour être lus par d'autres et qui ne sont jamais lus. Il y a ceux qui écrivent pour être lus par d'autres et qui sont beaucoup trop lus.

    Il y a ceux qui vivent pour écrire et ceux qui vivent d'écrire. Il y a ceux qui rêvent d'écrire mais qui ne le font jamais. Il y a ceux qui n'ont pas de rêves et ceux qui ne s'en souviennent pas.

    Il y a ceux qui écrivent industriellement ceux qui écrivent parcimonieusement ceux qui écrivent comme des forçats ceux qui écrivent dans leur lit ceux qui écrivent tôt le matin à un bureau ceux qui écrivent à la main ceux qui écrivent sur un clavier d'ordinateur ceux qui écrivent sur une grande page blanche ceux qui écrivent dans un carnet – un moleskine c'est plus élégant – ceux qui écrivent lentement ceux qui tracent les mots avec application ceux qui n'arrivent pas à se relire ceux qui écrivent peu ceux qui écrivent trop beaucoup trop ceux qui raturent qui corrigent sans cesse ceux qui écrivent d'un seul jet comme ça d'un seul coup – la MAGIE de l'écriture - ceux qui écrivent compulsivement ceux qui écrivent dans la douleur ceux qui écrivent pour ne rien dire mais qui écrivent quand même.

    Il y a ceux qui n'écrivent jamais. Ils n'ont pas appris à écrire ils n'ont pas besoin d'écrire ils ne veulent pas écrire ils n'ont pas ce désir d'écrire – désir, je te désire, nous nous désirons, ils se désirent, l'absence de désir - ils n'ont rien à écrire ils ont trop à dire ils ont peur d'écrire ils n'osent pas écrire ils essaient d'écrire mais ne vont jamais au bout – au bout de l'écriture est un point ultime, au bout de l'écriture est la mort. On leur a dit qu'ils n'étaient pas faits pour écrire, on leur a fait croire qu'écrire c'était pour les AUTRES – le DON d'écrire, le GÉNIE littéraire.

    Il y a ceux qui écrivent pour exister ceux qui existent en écrivant et il y a ceux qui existent tout court. Il y a ceux qui écrivent pour donner des leçons AAAAH les DONNEURS de LEÇONS les FAUDRAIT QU'ON et ron et ron petit patapon !

    Il y a ceux qui écrivent des chansons chansons tristes chansons d'amour, chansons réalistes chansons populaires chansons sur un air d'accordéon sur un air de bandonéon chansons sans prétention chansons délicates chansons fragiles chansons romantiques chansons nostalgiques chansons comiques chansons érotiques chansons révolutionnaires chansons éphémères.

    Il y a ceux qui sont des poÊtes ceux qui sont des pouets ceux qui poétisent ceux qui sottisent ceux qui écrivent des textes légers légers comme des bulles de savon qui volent au gré du vent ceux qui écrivent des textes qui font rêver des textes qui font voyager des textes qui font pleurer des textes à mourir de rire des textes à mourir d'ennui.

    Il y a ceux qui écrivent des listes des listes de course des listes de choses à faire des listes d'invités des listes de blessés des listes de morts des listes pour ne pas oublier des pense-bêtes et des pense-ânes aussi parce qu'il y en a énormément des ânes mais des abbesses beaucoup moins.

    Il y a ceux qui écrivent des lettres des lettres d 'amour des lettres d'adieux des lettres pour ne rien dire des lettres qui sont des appels au secours des lettres qui s'égarent des lettres que personne ne lit des lettres conservées précieusement en paquets attachés avec du satin rose des lettres dissimulées des lettres de rupture des lettres tâchées de larmes des lettres parfumées des lettres de refus des lettres anonymes des lettres d'excuse des lettres de remerciement des lettres de licenciement des lettres qui désespèrent.

    Il y a ceux qui écrivent pour manger ceux qui dévorent ce que d'autres ont écrits pour manger et ceux qui dans l'indifférence meurent de faim.

    Et vous dans tout ça ? Moi je sais pas j'écris j'écris. AU FOU ! AU FOU ! AU FOU ! je plie je tords je lamine j'usine j'assemble je façonne je forge ET LE BEAU ? LE BEAU ! LE BEAU ! je mécanique sans intention esthétique je rabote je polis je coupe j'agence je colle des mots les uns à côté des autres je cimente j'attache des lettres je comble des vides je bricole j'artisane je fabrique en équilibre en équilibre au bord d'un abîme. L'abîme des mots. L'abîme de la vie.

  • Partout les bêtes fourmillent

    A ton regard qui se perd

    l'incertain

    ce bras cette main cette peau

    si claire

    cette chair palpée molle sous

    les doigts

    à qui est ce corps épars

    tu ne sais

    Ton ventre – est-ce ton ventre ?

    te brûle de mille maux

    te tiraille de mille désirs

    à tes lèvres se bousculent les mots

    irruption incandescente

    Partout les bêtes fourmillent dans la terre

    que tu fouilles

    à tes mains sous tes ongles

    la matière agglutinée

    brune répulsion

    où tes pensées s'égarent

    et ces voix qui résonnent

    dans l'immensité de ta solitude

    qui sont-elles ?

    résurgences d'un passé oublié

    ombres menaçantes sirènes mortifères ?

    Dévastée

    dans ce monde terrifiant

    ton regard se perd

    tu t'échappes

    murée en de lointaines contrées

    où nul ne peut t'effrayer

    les lèvres closes

    les yeux fermés

    comme gisant de pierre blanche

    Dans mes dérives nocturnes

    à tes foulées les blés se courbent

    et ton sourire embrase le ciel

    tu ris tu cours

    ton prénom est celui d'une déesse

    mais déjà

    ton regard se perd

    mais déjà

    ton regard se perd.

  • La fabrique de textes 2 : bouillie

    J'ai les idées en bouillie comme de la purée de la purée de pommes de terre des pommes de terre cuites à l'eau des pommes de terre écrasées passées moulinées avec un vieux moulin en fer comme celui de ma grand-mère des pommes de terre mélangées avec du lait et une noix de beurre salé c'est bon la purée de pomme de terre quand elle est faite maison avec une noix de beurre salé c'est bon la purée de pomme de terre mélangée avec du gruyère ça s'étale dans l'assiette avec le dos de la cuillère ça remplit la bouche ça s'infiltre dans tous les interstices ça se répand partout ça dégouline la purée de pommes de terre ça sort de la bouche comme de la mousse ça gicle entre les dents c'est plus ou moins pâteux c'est plus ou moins liquide c'est plus ou moins compact la purée de pommes de terre avec une noix de beurre salé et du gruyère et une pincée de muscade en poudre et quelques grains de poivre plus c'est compact moins ça dégouline la purée de pommes de terre plus c'est inconsistant plus ça s'étale la purée de pommes de terre plus il y en a dans l'estomac moins il y en a dans l'assiette de la purée de pommes de terre purée de moine j'ai les idées en bouillie c'est bon la purée de moine avec du lait une noix de beurre salé quelques grains de poivre une pincée de poudre de muscade et du gruyère râpé c'est bon la purée je vous le dis j'ai les idées en bouillie.

  • Malgré tout vivre

    Depuis longtemps depuis les bancs de mon enfance

    je crois que j'ai deux vies

    l'une de conformisme de soumission et de compromissions

    l'autre de révoltes de dissidence et de passions

    l'une faite d'ordre et de cohérence

    l'autre de chaos et de contradictions

    dans l'une les apparences sont sauves

    dans l'autre les faux-semblants se fissurent

    l'une est peuplée de certitudes géométriques

    l'autre de doutes plus sucrés que des grains de grenade

    dans l'une mes costumes sont aussi sombres que l'hiver

    dans l'autre mes habits sont ceux des trouvères

    l'une est de cadrans analogiques qui règlent mes pas

    l'autre est de quais de gare où les trains sont toujours sur le départ

    dans l'une mes phrases ont l'aridité du réglementaire

    dans l'autre je fredonne les paradis perdus

    Depuis longtemps je crois aussi que j'ai deux cœurs

    l'un accorde ses sentiments avec parcimonie

    l'autre est tendre comme celui des artichauts

    Depuis longtemps depuis les bancs de mon enfance

    je crois que j'ai deux vies

    Depuis longtemps depuis les bancs de mon enfance

    j'essaie de vivre malgré tout.