Chanter en français : pas déjà vieux !
J'avais écrit un article qui portait le même titre en 2014. Comme il ne me satisfaisait pas vraiment, je l'ai modifié. Voici donc une seconde version en attendant une hypothétique troisième !
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J'avais écrit un article qui portait le même titre en 2014. Comme il ne me satisfaisait pas vraiment, je l'ai modifié. Voici donc une seconde version en attendant une hypothétique troisième !
Juste le bruit des vagues
et le goût du sel sur sa peau
Rien d'autre.
Je me souviens encore de la chaleur de son dernier été
Entre mes bras, léger, oscillait son corps
Tenter de se tenir debout occupait chaque instant de sa vie
La douleur aussi
Muette, implacable
Je n'ai jamais rien su de lui
Rien qu'il n'eut voulu me confier
A l'exception de ses silences ou de ses colères, rares, violentes
Comme un trop plein qui devait s'évacuer
Un trop plein assourdissant de silences
Tout ce que j'ai pu apprendre, ce sont les autres qui me l'ont dit
Des morceaux de vie, épars, sans cohérence apparente
Maintenant que je crois savoir, il n'est plus là
Depuis longtemps, depuis si longtemps, il s'était échappé de ce monde
Depuis ces longs mois de souffrance muette en des contrées lointaines, de l'autre côté de la Méditerranée
Là où la guerre n'était pas officiellement une guerre Là où sa jeunesse, ses espoirs, sa joie ont disparu à jamais
Comme pour tant d'autres
Vivants mais broyés définitivement
A son retour, il n'était plus le même
A son retour, j'étais un inconnu il m'était inconnu
Il n'avait eu la permission de me voir qu'une seule fois après ma naissance
Maintenant, je suis seul avec les lambeaux de sa vie
Maintenant, je suis seul et je ne peux plus rien lui dire
Seul demeure ce silence assourdissant que sa voix ne viendra plus jamais troubler
Seul je demeure à écouter les vagues mourir sur la plage, à imaginer ce que fut la vie de ce jeune homme parti contre son gré
Loin très loin de l'autre côté de cette immensité d'un bleu si cruel.
Là
en cet instant
au monde
présent
et
dans le même temps
étrangement absent
entre parenthèses.
le soir tombe
la mer étale lèche l'or de la plage
dans la lumière rasante un paysage incongru
de quiétude de sérénité
je n'ai pas de mots pour dire l'insoutenable
donne-moi la main et serre-moi fort dans tes bras
donne-moi la main et serre-moi fort dans tes bras
parce que ce soir j'ai froid
très froid
nous allons regarder le soleil se coucher
l'horizon se couvrir de rose
et demain matin nous regarderons ce même soleil se lever
comme à chaque jour de l'humanité
et nous continuerons
à vivre
parce que nous sommes ici pour vivre
à nous aimer
parce que sans amour serions-nous des femmes et des hommes
et nous continuerons
à chanter
parce que les chansons brisent le silence
à rire
parce que sans rires que seraient nos pleurs
donne-moi la main et serre-moi fort très fort dans tes bras
et nous continuerons
à rêver
parce que sans rêves il n'y aurait pas d'espoir
à lire
parce que libres nous voulons pouvoir interpréter
à écouter de la musique
parce que depuis que nous avons des rituels elle est nécessité
à danser
parce que nous dansons depuis que nous attendons la pluie
depuis longtemps
depuis la nuit des temps
nous savons la fureur aveugle le bruit des armes et le goût des larmes
depuis longtemps
depuis la nuit des temps
comme le roseau nous continuons vivants
depuis longtemps
depuis la nuit des temps
nous continuons
debout
Des années après, je t'ai retrouvée. Tu portais un imperméable rouge.
C'était un matin de pluie, un de ces matins gris que j'abhorrais. Un de ces matins où je marchais, absent au monde, sans un seul regard pour ce ciel gris. Je ne voyais personne ou plus précisément mes nerfs optiques transmettaient des signaux que je voulais ignorer. Je ne voulais percevoir qu'une foule grise, anonyme, sous ce ciel gris, dans ce matin gris. Et, il y eut cette tâche rouge au loin qui attira mon attention.
Ton imperméable rouge.
Il n'avait pu – je ne le savais pas encore - te protéger que de la pluie.
Et alors, il y eut la lumière de ton visage. La lumière de ton regard, aussi. Cette lumière que je ne saurai décrire. Cette lumière me laissa pantelant, désarmé. Elle me mit en mouvement, inexorablement. Je ne réfléchissais pas, je n'étais que ce mouvement, que ce corps en marche, qu'articulations, muscles et tendons en action. Je n'étais que tension, qu'impulsion soudaine pour te rejoindre.
Un sentiment d'urgence.
Cette histoire, je te l'ai tant de fois déjà racontée. Et tout le reste aussi.
Cet imperméable rouge, pour quelles raisons l'avais-tu choisi ? Toi qui voulais passer inaperçue, te fondre, anonyme. Notre futur t'avait-il conduit à ce choix ?
Notre rencontre débutait sous le signe du désir. Mais, tu n'en savais rien. Dès le premier instant, j'ai cherché à te séduire. Tellement ébloui. Aveugle à tout ce qui n'était pas toi. Obsédé par toi. Je ne voyais que l'iris vert de tes yeux, le dessin de tes lèvres et ton sourire indéfinissable. Je cherchais ton visage sur les quais de gare. Je guettais ton apparition sur le boulevard chaque fin d'après-midi. Ta silhouette, ta démarche, ton port de tête. Tu étais princesse inaccessible, réfugiée en ta forteresse. Je n'avais cesse de te retrouver. Je traversais les jours sans autre pensée que toi. Je t'attendais. Je détestais ces jours où l'automobile te dérobait à ma présence. Je ne pouvais savoir ce qui t'arrachait à moi. Moi qui n'était rien. Moi qui voulait être tout. Chaque matin, chaque soir, j'espérais l'instant où enfin tu allais t'asseoir dans la grâce d'un timide sourire en face de moi. Ces instants, j'aurais voulu qu'ils durent jusqu'à ce que la lune t'éclaire d'or. Mais, ces instants, je ne pouvais que les voler, que les dérober.
Par tes yeux, enfin, je voyais la mer et je sentais une houle longue, profonde me porter. Je découvrais enfin mon univers. Un univers inondé de lumière.
Je voyais - j'en étais certain - tout l'amour que tu avais à donner. Je voyais tout l'amour qui t'avait manqué. Tu étais ma joie, mon impatience. Je guettais le moindre de tes sourires - ils me transperçaient le cœur. Je cherchais à te séduire. Je ne savais rien de ta vie, de tes souffrances. Mais j'avais envie d'être ton rempart. J'étais au bord du quai, prêt à basculer. Je découvrais le plaisir d'aimer. Je chavirais, bateau ivre. Je déposais des mots et des regards. Des petits cailloux pour te guider vers le chemin qui – je l'espérais - te mènerait à moi. Je cherchais à te séduire.Tu me laissais dans l'ignorance. Le doute était mon infatigable compagnon de voyage. Impénétrable, énigmatique, tu ne te livrais pas. Je cherchais à te séduire. Je n'osais rien te demander. Je n'avais que des questions qui ne pouvaient que rester sans réponses. Parfois, la colère ou le désespoir me submergeait. Je maudissais ton indifférence supposée. Je ne disais rien. Je devinais mais ne voulais pas savoir. Je maudissais les jours où tu me quittais sur les quais de gare. Je ne montrais rien. Je cherchais à te séduire. Je n'osais t'espérer. Je ne croyais pas te mériter. Et pourtant, j'étais envoûté, je ne pouvais pas lutter contre cette tendresse que je lisais dans ton regard. J'essayais de déchiffrer des signes sur ton visage. Je n'y parvenais pas. Je t'attendais. Je ne pouvais que t'attendre. Te laisser venir à moi.
Et maintenant, chaque soir, tu es là, allongée, blottie contre moi. Tu dis que mon corps est chaud et je m'enroule autour de toi pour te réchauffer. J'écoute la musique de ta voix quand, la nuit tombée, tu lis à haute voix. Elle me calme, me berce. Tu dis que ma peau est douce et je laisse ta main explorer mon corps - il s'abandonne enfin. Et maintenant, chaque soir, j'attends l'instant où je vais sentir le poids de ta tête sur mon épaule quand le sommeil t'emporte. Je n'ose le moindre mouvement si ce n'est caresser lentement l'arrondi de ton crâne, celui de ta joue, si ce n’est effleurer le grain de beauté qui orne ta main gauche.
Chaque jour, te sentir contre moi, t'entendre respirer, apaisée. Chaque jour, je ne regrette rien du passé.
Un jour de nuages à la dérive, j'ai ouvert grands mes bras, je t'ai serrée tout contre moi. Il n'y avait que nous, enlacés dans cette ruelle, nous seuls présents au monde. Je ne voyais que toi, plus rien n'avait d'importance que toi.
Je savais que tu m’emmènerais loin du pays des ombres. Vers d'autres contrées, là où le bonheur a le droit d'exister, là où le plaisir naît du désir dans les regards, là où l'amour n'est pas chimère mais de l'ordre du possible.
Enfin.
le portail d’abcès de rouille
grince
sur les marches de l’escalier
deux chaises d’été attendent
délaissées
dans le jardin abandonné
les marguerites sont éteintes et le ruisseau
s’est tu
les volets
clos de silence
ne cachent que le miroir piqué
où tu esquissais un sourire
de rouge fardé
il ne reste que des ombres
surgies de cadres aux dorures fanées
qui parfois peuplaient nos nuits
de douleurs
muettes
Jour après jour
mois après mois
attendre
que la douleur disparaisse
que le plaisir reprenne sa place
enfin
pouvoir marcher dormir lire écrire écouter notes et chants
enfin
(re)vivre