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Une nouvelle carte postale de mon lieu de villégiature à l'étranger pour vous signaler un roman disponible en poche. Comme le ciel est bien gris en ces contrées où je passe quelques jours de vacances, j'en profite pour dévorer quelques romans dits policiers. En voici un excellent, écrit par Victor Del Arbol. Cela se déroule en Espagne avec des allers-retours entre différentes époques marquées par le franquisme. C'est habile et terrible.
Ce livre est disponible depuis 2013 en poche, collection Babel noir. Traduction de l'espagnol par Claude Bleton.
Ceux qui lisent de temps en temps ce blog savent que la littérature japonaise est l'une de celles qui m'intéresse particulièrement. Au fil de mes errances, j'ai découvert « Cheveux emmêlés » de Yosano Akiko, attiré par le titre de cet ouvrage et le nom de l'auteure. Le premier texte parcouru rapidement m'a tout de suite donné envie de poursuivre la lecture :
« Rideau de la nuit
Où s'épuisent les murmures
Dans les étoiles
Tandis qu'ici-bas les hommes
Ont les cheveux en broussaille. »
Passion, sensibilité, amour, sensualité traversent les textes qui, par leur genre poétique (tanka, en 5 vers et 31 syllabes), sont d'une pureté à vous laisser rêveur, le livre ouvert, les yeux perdus, dans un doux ravissement :
« Court est le printemps,
Qu'y a-t-il dans la vie
Qui soit immortel ?
Et j'autorisai sa main
Sur la rondeur de mes seins. »
Publié en 1901, ce recueil de 399 textes est considéré comme une œuvre capitale du romantisme japonais.
En cet été qui invite à la flânerie livresque, je vous propose de partir à la (re)découverte d'ouvrages que l'on classe souvent et à tort, selon moi, dans la littérature pour la jeunesse.
Une parenthèse avant de les présenter : si je m'étais contenté de lire les ouvrages recommandés pour la jeunesse, je n'aurais jamais découvert « Les Fleurs du mal » à l'âge de 12 ans, ni dévoré « Le Mur » de Sartre et bien d'autres encore avant que l'on me parle de ces auteurs au collège et au lycée (et malheureusement que l'on m'en écœure parfois...). Tout cela pour recommander à ceux que l'on dénomme des adultes de lire aussi des livres pour la jeunesse.
Cette fois-ci donc, non pas un ouvrage mais plusieurs, dénommés des romans graphiques et dont les auteurs sont Eric Wantiez et Marie Deschamps. Leur collaboration a donné naissance à plusieurs ouvrages Chacun est un pur régal, que ce soit au niveau de l'écriture du texte ou de l'écriture graphique :
« Un secret » où le texte et le dessin se combinent pour nous raconter avec sensibilité et poésie une magnifique histoire qui prend son origine avec un grand-père et son petit-fils : un livre tout en légèreté sur le partage.
"Nino" où l'on appréciera notamment le travail graphique de Marie Deschanps.
« Pierre et Lou » dont le thème classique est traité avec délicatesse.
Je trouve que ces deux auteurs se complètent admirablement l'un et l'autre. Par les mots ou le trait, ils font preuve d'une grande sensibilité pour traiter de thèmes universels.
Un nouveau roman « Le printemps d'Oan » est prévu en 2015.
Les ouvrages sont disponibles aux éditions "Comme une Orange", vous pouvez aussi les commander chez votre libraire. Alors n'hésitez pas, ceux qui peuvent parler du monde avec poésie aux plus petits et plus grands sont de plus en plus rares, il est nécessaire de soutenir leur travail indispensable.
Marie Deschamps a mis aussi en ligne 16 collodions réalisés à partir de son travail sur Le secret et des sérigraphies superbes. C'est par ici : http://mariedeschamps.blogspot.fr/
Elle est aussi l'auteur d'un blog où elle partage des réflexions et des dessins : http://whatmd.blogspot.fr/
Eric Wantiez est lui aussi auteur d'un blog consacré à ses réflexions sur le métier, le travail et la condition d'auteur : http://ericwantiez.blogspot.fr/
"Palomar" est un autre petit bijou offert par Italo Calvino dont j'ai décidé cet été d'évoquer quelques publications. Ce livre composé de 27 textes, structuré en 3 parties (Les vacances de Palomar, Palomar en ville, Les silences de Palomar) est un régal. Une écriture des plus précises, à la fois d'une grande simplicité et extrêmement travaillée. Un humour qui masque parfois le désespoir. Un ouvrage sur le regard, sur le rapport entre un fragment de réalité perçu par ce personnage et sa conscience.
"A la suite d’une série de mésaventures qui ne méritent pas d’être rappelées, monsieur Palomar avait décidé que sa principale activité serait de regarder les choses du dehors."
Livre philosophique mais d'une grande facilité d'accès, Palomar comporte des textes parfois d'à peine trois pages mais qui valent bien plus par leur qualité littéraire et leur portée que plusieurs dizaines de romans.
La verve, l'ironie et l'humour ne sont pas absents de ces textes. Ainsi, "Le sein nu" vous entraînera aux côtés de Palomar sur une plage où une jeune femme prend le soleil les seins nus. Je ne vous dévoilerai pas le titre du dernier texte mais ne peux résister à en citer un court extrait :
"Si le temps doit finir, on peut le décrire, instant après instant, pense Palomar, et chaque instant, quand on le décrit, se dilate à tel point qu'on n'en voit plus la fin."
Pour de sombres raisons de droits, les livres d'Italo Calvino ne sont actuellement pas tous disponibles en commande dans une traduction française. Ils sont de nouveau publiés progressivement chez Gallimard. En attendant, on peut trouver des versions d’occasion ou se rendre en bibliothèque.
Publié chez Actes Sud en 2012, ce court roman est un récit inoubliable porté par une écriture magnifique.
Rongé par la tuberculose, Otto J. Steiner. critique musical, commence à tenir un journal en juillet 1939 alors qu'il est dans un sanatorium de Salzbourg. Il adresse aussi des lettres à son fils dont il est sans nouvelles.
Impossible de dévoiler ce qui constituera selon ses mots son « seul acte de résistance » et qui lui donnera le sentiment d'avoir accompli son « devoir » dans ce monde qui bascule dans l'une des périodes les plus sombres de son histoire.
Sens de la formule, ironie, cruauté, acuité du regard, humour glaçant, gravité, auto-dérision, les qualificatifs multiples qui pourraient être employés indiquent combien ce roman est un grand texte. Par une écriture resserrée et d'une grande précision, en moins de 150 pages, tout est dit sur cet implacable joug qui s'exercera dans tous les domaines y compris dans celui de l'art, tout est dit sur cette idéologie qui planifiera l'Holocauste.
Le roman est suivi d'une page où figure un texte de quelques phrases dont celles-ci que je ne peux m'empêcher de citer, moi qui consacre aussi des chroniques à la musique :
« Aucun des musiciens et chefs d'orchestre mentionnés dans le journal d'Otto ne prit jamais la défense de la liberté d'expression ni ne prêta la moindre assistance à ses collègues persécutés. Après la guerre, tous jouirent de l'admiration sans réserve des mélomanes du monde entier ».