J'ai hésité, qu'écrire à propos du dernier opus de Mendelson que j'ai réécouté plusieurs fois en version numérique en attendant de recevoir le coffret, la "Box".
Et si la position la plus appropriée était de choisir le silence, juste mettre en ligne les 5 titres de cet ultime album. Après tout, à quoi sert de s'épancher, tout n'est-il pas pas déjà dit, chanté, joué dans cette dernière étape avant la fin proclamée ?
Et puis, cela m'a toujours ennuyé les chroniques du regret (du type hommage au génie méconnu), les articles qui viennent nous arracher des larmes quand un artiste, un groupe, une personnalité achèvent leur parcours ou disparaissent. C'est un peu comme les départs à la retraite, t'as plein de gens qui t'ont fait royalement chier quand tu bossais qui voudraient te remercier et boire un pot avec toi ! C'est comme les enterrements où t'as plein de gens qui viennent te rendre hommage alors que quand tu étais bien vivant, ils n'en avaient rien à foutre ou t'ont fait plus de mal que te donner des signes d'amour, d'affection ou de respect.
Et puis, après tout, y a plein d'espèces d'animaux, y a plein de végétaux et plein d'hommes et de femmes qui meurent dans l'indifférence quasi-générale ! Au nom de quoi la fin d'un groupe de musique serait plus digne d'intérêt que celle de mon grand-père qui travailla dès l'âge de 14 ans ? Qui, fils d'immigrés, prit les armes pour défendre un pays qui les avait accueillis non sans souffrir au quotidien de rejet, de réflexions les plus stupides et blessantes dès son enfance ? Au nom de quoi certains auraient plus d'importance que tous ces anonymes ?
Je vois déjà fleurir les chroniques, je vois déjà les commentaires... Que ceux qui les ont accompagnés, les fidèles, les amis de route puissent témoigner de ce que ce groupe a pu signifier, a pu leur apporter à un moment ou un autre de leur vie, ne me dérange aucunement. La meilleure façon de faire vivre nos morts - que nos morts soient présents parmi les vivants - est d'en parler, de montrer, de faire entendre, de dire en quoi ils nous ont été précieux. Il n'y a rien de moins humain que de laisser mourir nos mourants dans des lieux aseptisés, loin de tous, abandonnés et sans marques d'affection. L'indifférence, cacher la mort est le contraire de ce qui nous fait humains.
Non, Mendelson ne nous a pas rendu plus humains par ces albums - ceux qui écoutaient l'étaient déjà et ceux qui ne l'écoutaient pas l'étaient aussi ! Mendelson nous fait simplement humains parce que nous sommes à ses côtés quand il disparaît, parce que nous l'écouterons encore de temps à autre, parce que nous le partagerons comme nous partageons l'existence de ceux qui ont, à un moment de notre vie, été des compagnons, des êtres qui ont marqué notre existence, qui ont pu jouer un rôle mystérieux dans notre vie. Comme le prof anonyme décrié par tous qui te fait découvrir un père obscur, comme un grand-père qui te parle de ce que fut sa vie d'ouvrier, comme une chanson de Ferré écoutée à 13 ans et qui t'ouvre de nouveaux horizons, comme un bouquin de socio que tu lis à 20 ans et qui te marque à jamais, comme le père que tu as pu parfois détester mais qui t'a permis de te construire sans que tu t'en rendes compte, comme tant d'autres, des femmes, des hommes connus ou inconnus. Juste une histoire de rencontres humaines.
De Mendelson, il demeurera les albums, des petits cailloux, des traces, à continuer de faire vivre. Il reste l'oeuvre, textes, musique, interprétation, compositions, un tout, une couleur singulière, un ensemble indissociable, c'est l'essentiel. La postérité du groupe, après tout, rien à faire !
Alors "Fin de partie", "Rideau" pour Menselson. Et alors ? L'important, l'essentiel est par ici :