Concision 19
Dernière chaleur
Entre mes bras léger
Mon père oscille.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Dernière chaleur
Entre mes bras léger
Mon père oscille.
Métro Croix Paquet
Que dissimulent vos ongles
de rouge laqués ?
Elle le visage tourné
vers la vitre du train
où meurent des gouttes de pluie
Lui regarde Elle
les yeux fermés
Lui voit sur sa joue
une larme couler
Elle tourne la tête
continue de pleurer
lentement doucement
Lui ne peut se détourner
continue de la regarder
Il voudrait tant
la voir sourire
Il la regarde et sourit
son visage s'évanouit.
Ceux qui suivent mon blog depuis le début savent combien j'apprécie l’œuvre d'Aki Shimazaki, auteure née au Japon qui a déjà publié deux pentalogies remarquables « Le cycle des secrets » et « Au cœur du Yamato » chez Actes Sud.
Chacun de ses romans écrit en français est l'occasion de plonger dans des histoires qui racontent la vie d'individus avec pour toile de fond la société japonaise. Des histoires, des destins qui se croisent. Ici, il n'y a pas de place pour la profusion dans les descriptions ou les dialogues. Non, juste une écriture précise, épurée ; un style direct, minimaliste pour explorer les apparences ; des histoires narrées dans une forme qui donne l'illusion de la simplicité mais qui exige une écriture proche de celle du haïku, légèreté et concision pour atteindre une profondeur universelle, légèreté et concision qui, la dernière page lue, laisse le lecteur transporté.
Avec « Azami », titre qui prendra tout son sens à lecture de ce court roman et ses deux personnages principaux, Mitsuo et Mitsuko, Aki Shimazaki ouvre magistralement son troisième cycle romanesque.
« Azami » de Aki Shimazaki, Actes Sud, janvier 2015.
Sur le même banc
Chaque jour le même homme
Attend la fin du jour.
Parmi les décombres
Que sont nos rêves devenus ?
Ici toujours le ressac.
Patiemment
Silencieusement
Insidieusement
Inexorablement
Tapies dans mes tissus pulmonaires
De minuscules bulles d'air
Attendent d’exploser.
« Je suis jeune et riche et cultivé ; et je suis malheureux, névrosé et seul .»
Ainsi s'ouvre « Mars » de Fritz Zorn, récit dont la lecture fut l'une des plus éprouvantes parmi toutes celles que j'ai eu l'occasion d'effectuer en plus de quarante ans.
Texte qui constitue une épreuve pour le lecteur, texte sans ménagement, texte fulgurant, qui, selon l'auteur, n'est pas son autobiographie mais « l'histoire d'une névrose ou, du moins, de certains de ses aspects ».
Mais ce récit ne peut se résumer à son seul contenu. C'est aussi une écriture en parfaite adéquation avec le propos, écriture que la traduction ne semble pas trahir, écriture de la sentence lapidaire, écriture où sous le sens de la formule perce le désespoir, écriture sans atours, acérée, chirurgicale, tranchante comme un scalpel. Écriture qui est l'instrument d'une « vivisection » pour reprendre le terme employé par l'auteur de la remarquable préface - que je recommande de lire après et non avant ce récit.
Il serait inadéquat de détailler le contenu du livre et l'histoire de cet auteur.
Seule la confrontation à l' « ironie tragique » de ce texte permet d'en saisir la portée.
Seule l'expérience radicale de la solitude avec ce texte vaut.
« Mars » de Fritz Zorn, traduit de l'allemand par Gilberte Lambrichs, préface d'Adolf Muschg, Gallimard, 1979. Réédité en collection Folio.