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Il y déjà presque deux ans, j'ai écrit un texte qui connut de multiples versions. Un texte inspiré par l'écoute du duo danois RØST composé de Ditte Rønn et Søren Bebe. Chacun de ces artistes a aussi tracé sa voie musicale que je présenterai dans cette chronique.
Voici l'une des versions de ce texte qui n'a pas disparu du monde numérique en guise d'introduction, accompagnée de l'une des chansons qui l'inspira.
Voce
Posée sur le silence
une note de clavier
délicate éphémère
dissipe la brume qui couvre la plaine assoupie
Au loin
à peine visible
un océan de souvenirs amers
que trouble l'écume grisâtre des vagues
Dans l'immensité
plus douce que la peau des paupières
une voix de femme s'élève
Lentement
la mélancolie s'insinue
le chant emplit l'espace
cristallin
et l'air vibre d'arpèges lumineux
Quelque part
lancinant
le son d'un portail abandonné
qui grince sous le vent
Les vocalises se déploient résonnent s'éteignent
Murmures
La note retentit encore
suspendue
puis meurt
Ne demeure précieux
qu'un instant fragile de bonheur.
La collaboration des deux artistes danois a donné naissance à trois albums. « Improvisationer » en 2009 composé de 12 titres piano-voix où le jeu de Soren et la voix chaude de Ditte font merveille comme dans le très beau « Seks » :
Le magnifique « Drømte mig en drøm » paraît en 2011. Le duo revisite magistralement des titres traditionnels, appartenant au folklore danois. Le disque est ouvert par le somptueux « Jeg gik mig ud en sommerdag » et offre avec ses huit titres des ambiances splendides :
En 2013, paraît la musique composée par le duo pour « Dokumentaristen » un spectacle écrit et mis en scène par la compagnie théâtrale danoise « Team Teatre ».
Mais, chaque artiste développe aussi ses projets personnels.
L'année 2012 voit le premier album solo de Ditte Rønn paraître : « Echoes of Madeleine » avec la collaboration de Sune Skuldbøl Vraa Nielsen.
Douze titres le composent dont les très beaux « Here I Am », « Emotianal »,« Recovering », « I Go As Deep As I Can Go », « The Sea », « Be Kind » ou « I Won't Tell ».
Variant les ambiances, le disque montre les talents de chanteuse, d'interprète et de compositrice de Ditte Rønn.
Quant à Søren Bebe, il poursuit sa carrière de pianiste mais aussi de compositeur. Il connaît un succès de plus en plus important avec son trio, notamment avec l'album "A Song for You" paru en 2012 qui comporte de lumineuses compositions :
Il est des rencontres fortuites qui vous plongent dans un état particulier. Sans que vous sachiez vraiment l'expliquer, vous avez l'impression qu'elle était inévitable, indispensable, comme un "déjà-là" et qu'elle ne pourra plus vous quitter.
Une compagnie précieuse qui fait irruption dans votre vie, rare, inestimable, tellement précieuse et familière, tellement fragile et indissociable de votre intimité que vous hésitez à la partager.
L’œuvre de Cheval Blanc (projet solo de Jérôme-David Suzat) est de l'ordre de ces rencontres qui, instantanément, entrent en résonance avec ce qui vous constitue au plus profond et que vous ignorez. Un autre vous-même.
Je ne connais rien de la vie d'homme de cet artiste. Cela n'a aucune importance. Cela n'est d'aucun intérêt.
Par contre, ce que je sais de son œuvre, c'est qu'elle constitue l'une des plus belles découvertes de ces dernières années dans les sentes musicales que je parcours.
Rencontre irrémédiable, définitive, radicale, de l'ordre du tout ou rien. Écouter Cheval Blanc est une épreuve parce qu'il ne peut y avoir de demi-mesure. Adhérer, être conquis ou rejeter, ne pas vouloir entendre ce qui dérange.
L’œuvre de Cheval Blanc est une alchimie quasi miraculeuse.
Entre cette voix fragile et pourtant si puissante dans sa capacité expressive, à la limite de la fêlure et de la brisure, à la lisière des forêts sombres qui nous hantent.
Entre ces textes où rythme et sonorité sont tout aussi importants que sens et lyrisme, où vous croyez entendre le souffle de l'auteur jaillir, fulgurant.
Entre des compositions – omniprésence du piano - qui démontrent que le dépouillé génère beaucoup plus d'émotions que la profusion d'arrangements et la sophistication technologique.
Et puis il y a le son de « The Art of the Demo ». Ce son artisanal qui justement apporte la couleur nécessaire, indispensable pour créer cet ensemble unique, cette ode viscérale. J'ose même affirmer que, sans ce son, l’œuvre de Cheval Blanc n'aurait pas la même portée, la même puissance évocatrice. A se fondre dans les productions actuelles, elle aurait tout y à perdre.
Je crois avoir lu, dans l'une des rares interviews disponibles de Cheval Blanc, qu'il avait envisagé d'interpréter des chansons avec un quatuor à cordes. Pourquoi pas, mais alors je l'imagine avec l'intensité d'un jeu de cordes comparable à celui de Casals dans les Suites de Bach.
Intensité justement de la première chanson qui ouvre le troisième opus au titre "Rouge" chargé de symbolique.
« Il faut écrire lentement le nom des gens que l'on aime », c'est ainsi que débute « Le poème lent », titre peut-être le plus intense grâce à la maîtrise de la durée, à la lenteur instaurée entre notes du piano et chant.
Tel un danseur qui, par les variations du mouvement, crée des ruptures dans l'espace-temps, Cheval Blanc nous transporte, dès les premières notes et mots chantés, dans son univers où l'amour, la nostalgie, la souffrance, la passion, la mélancolie mais aussi l'élégance occupent cette place particulière qui suspend le temps.
Temps de l'amour, temps de la perte déjà-là, irrémédiable.
Et si Cheval Blanc nous capture, nous saisit, nous happe, ce n'est pas seulement grâce à ses textes. C'est aussi parce que sa voix, sa diction, son phrasé se marient parfaitement aux musiques qui portent ses paroles, épousent la chair de ses mots. Quoi qu'il pense de sa voix et de sa justesse, aucun doute permis. Cette voix qui incarne l'essence de ses textes ne peut qu'être.
Il y a une musicalité étonnante dans le travail de Cheval Blanc, musicalité de la langue - cet homme aime les mots - qui en fait, sans aucun doute, l'un des auteurs-compositeurs interprètes incontournables de ces dernières années. Méconnu du grand public tel un Marcel Kanche mais indispensable.
Et puis, il y a aussi ce sens de la mélopée, cette linéarité comme dans « I love you so much » ou bien encore dans "du Chaoos". Magistral.
Musicalité des textes, souffle rythmique, notables aussi dans son recueil « Collège » publié chez le même éditeur Bruit Blanc dont il convient de souligner la qualité du travail éditorial.
Ces qualités, ces fulgurances, nous les avions déjà découvertes dans des chansons magnifiques de ses deux précédents EP : « Ma ville », « A la mort du monde », « Les amants morts », « La révolution est un jeu d'enfant » et bien d'autres.
Si Cheval Blanc est un habile artisan de la mélodie – il n ' y a qu'à écouter « Alcool », il est aussi fort habile pour insérer de petites touches à ses chansons qui donnent cette coloration particulière : les voix sur « Garce ! » ou « L’assassin » par exemple.
Il y a aussi, comment trouver les mots, comme une délicate fraîcheur, une douce brise d'adolescence, un romantisme dont on avait oublié les envolées, une incandescence dans ses chansons et poèmes.
Cheval Blanc nous conduit vers des contrées inestimables. Enfermés dans nos vies de cellophane aseptisées, nous avions presque oublié que nos existences étaient habitées par l'amour et la passion. Un cortège d'espoir, de plaisirs et de désir. Un cortège de peurs, de souffrances et de désespoir aussi.
Et cela fait un bien infini.
C'est certain, Cheval Blanc est condamné. Condamné à nous offrir une nouvelle suite à « The Art Of The Demo #3».
L'album et les deux EP sont en en écoute et en vente ici :